jeudi 27 juin 2019
Propos recueillis par A. F.
Jean-Jacques Simon, dit Jako 60 ans, séropositif depuis 1985, et premier consommateur relaxé pour raisons médicales, en 2011.
«Ça fait bientôt trente-cinq ans que je suis séropositif et il n’y a que le cannabis qui m’aide à supporter les effets secondaires de mes traitements. J’avais déjà fumé avant, j’ai même été toxicomane, à l’héroïne, j’ai aussi fait de la prison. Mais c’est quand je suis parti à la campagne que je me suis aperçu des bienfaits du cannabis sur ma vie quotidienne. Ça m’a redonné de l’appétit, c’était bénéfique pour mon sommeil, et ça limitait mes douleurs. Avant, j’avais un cocktail de médicaments qui contenaient aussi ces douleurs, mais qui faisaient que je ne ressentais plus rien. Là, avec le cannabis, j’avais les effets positifs, sans les désagréments. J’ai donc commencé à planter à droite, à gauche, chez des amis, pour cultiver, pour ma consommation personnelle. Jusqu’au jour où, en 2011, je me suis fait arrêter par les douanes volantes, de retour du Lot, au péage de Vierzon. J’avais 415 grammes avec moi, soit six mois de consommation. J’ai été placé en garde à vue, puis convoqué pour un procès quatre mois plus tard. Et là, incroyable : la justice m’a totalement relaxé, je crois que j’étais le premier patient dans ce cas. En général, les gens pris avec du cannabis, même pour raisons médicales, étaient condamnés, au moins à des peines symboliques. Mais pas moi. Le médecin qui me suivait depuis vingt ans m’avait fait une attestation en précisant que le cannabis s’avérait pour moi « efficace, bien toléré et améliorant » ma « qualité de vie ». Il demandait même que je puisse bénéficier d’une « autorisation temporaire d’utilisation individuelle » pour me permettre de poursuivre ce traitement « légalement ». Depuis, je garde précieusement ce bout de papier toujours avec moi, et je le photocopie quand il commence à se déchirer. Le juge a considéré que mon état médical constituait une « contrainte », et que je n’étais pas responsable pénalement. Bon, ensuite, ils ne m’ont pas rendu mes 415 grammes, même si je les ai demandés à la barre ! Ça les a fait marrer. Aujourd’hui, je me fais vieux, et je voudrais arrêter complètement la cigarette. J’essaye donc d’autres formes que le joint pour prendre du cannabis : vaporisation, gâteaux… Le possible feu vert donné au cannabis médical ? Franchement, je ne l’attends pas tant que ça. Moi, j’ai fait mon chemin, je me suis redressé. Mais je ne me fais pas d’illusions sur ce que feront ces institutions. Si elles gèrent le cannabis comme le reste, le résultat ne va pas être terrible. »
Source : https://www.humanite.fr/des-bienfaits-reels-sur-ma-vie-quotidienne-mon-appetit-mon-sommeil-674145