A Bangkok, la marijuana a la cote depuis la dépénalisation de la culture et de la vente du cannabis en Thaïlande, mais ses promoteurs craignent que le gouvernement ne revienne en arrière, la loi actuelle laissant de nombreuses zones grises qui rendent l’avenir incertain.
Une odeur de cannabis plane au-dessus des canaux… Le boom des coffee shops a donné à Bangkok des allures d’Amsterdam d’Asie du Sud-Est, les vélos en moins.
Après des années de sévère répression, le royaume a retiré fin juin certaines parties de la plante de sa liste des stupéfiants, devenant le premier pays d’Asie à ouvrir ce marché que les autorités espèrent lucratif.
Magasins en dur, stands mobiles dans les rues, « weed trucks »… Plusieurs centaines de points de vente ont ouvert dans le royaume, dans une période de relance économique coïncidant avec le retour en force du tourisme, après le Covid.
L’industrie du cannabis pourrait peser jusqu’à 1,2 milliard de dollars en 2025 pour la Thaïlande, qui mise sur son image de destination bien-être pour attirer les visiteurs, selon une étude de l’Université de la Chambre de commerce thaïlandaise.
Mais la loi derrière cette expansion conserve des zones grises qui tempère l’enthousiasme de certains acteurs du secteur, qui craignent de devoir fermer du jour au lendemain – car, contrairement à l’Uruguay et au Canada, l’usage récréatif du cannabis reste interdit dans le royaume conservateur à majorité bouddhiste.
Cultiver ou vendre du cannabis est autorisé, mais le fumer librement ne l’est pas, sauf sous certaines conditions, notamment thérapeutiques. La loi génère de la confusion chez les professionnels du secteur, autant qu’au sein du gouvernement, pressé de clarifier la situation.
« Vide » juridique
« Je connais des gens qui ferment boutique parce qu’ils n’ont pas de certitudes » sur l’avenir, Kajkanit Sakdisubha, dit « Gem », propriétaire d’une boutique à Bangkok où il vend le cannabis que fait pousser son entreprise, Taratera.
« Nous avons besoin d’un plan pour cinq à dix ans, pas d’une politique qui change chaque mois », poursuit-il.
Leurs affaires subissent les remous du débat parlementaire en Thaïlande, qui ont gagné en intensité à mesure que les élections législatives, prévues au printemps, se rapprochent.
Dans ce contexte pré-électoral, le gouvernement de l’ancien général Prayut Chan-O-Cha veut montrer qu’il garde la main. Il a durci les règles en décembre, en interdisant la vente de cannabis en ligne, et aux personnes de moins de 20 ans et femmes enceintes.
Fumer du cannabis à l’intérieur des boutiques est également proscrit, sauf si c’est pour un usage thérapeutique, autorisé en Thaïlande depuis 2018.
Ce resserrage correspond à « une promesse électorale », juge Gloria Lai, directrice régionale pour l’Asie du Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC), basée à Bangkok.
« Il y a un vide pour le moment », à la fois dans les textes et dans les efforts mis en place pour le gouvernement pour expliquer la dépénalisation du cannabis, estime-t-elle.
Cette situation ambiguë appelle à une nouvelle loi qui viendrait clarifier l’actuelle, ont lancé des professionnels du secteur.
Descentes sur Khaosan Road
« Nous voulons réguler le cannabis comme l’alcool ou les cigarettes », explique le docteur Thongchai Lertvilairattanapong, responsable de la médecine traditionnelle thaïlandaise au sein du ministère de la Santé.
Malgré les débats, la vague verte a submergé Khaosan Road, la célèbre rue de Bangkok prisée des backpackers qui profitent des auberges de jeunesse bon marché et des bars peu regardants, où les dispensaires de cannabis se sont fait une place.
Mais plusieurs fois, la fête a été interrompue par la police. Une descente des forces de l’ordre a conduit mi-décembre à six arrestations, notamment pour vente de cannabis sans autorisation, ou en raison de sa consommation en intérieur.
Dans la confusion, Teetat Wonykhan continue de rouler des joints pour les clients de la boutique que possède son frère, Ganja Kingdom, sur Khaosan Road.
Il reste optimiste pour l’avenir, et prévoit même d’ouvrir un second point de vente.
Les clients « qui planent » sont plus sympathiques que ceux qui sont ivres, a-t-il remarqué. « Beaucoup viennent, et me lancent +Salut, mec+ ».