Mardi 18 mai 2021
Benoît Potterie, député Agir de la 8e circonscription du Pas-de-Calais, s’exprime en faveur d’une légalisation du cannabis mais avec un cadre très strict. Pour lui, la répression ne marche plus.
– Vous avez rencontré Kévin et Thomas, producteurs de cannabidiol (CBD) à Mametz. Pourquoi ?
« Ce sont eux qui sont venus vers moi. La problématique avec le cannabidiol est qu’on n’a pas le droit de cultiver la fleur de chanvre en France mais on peut en importer d’autres pays d’Europe où cette culture est autorisée. J’ai voulu mettre la lumière sur ce flou. Il faut remettre la législation à plat. »
– Cela passerait par une légalisation du cannabis ?
« Je suis pour. Mais il ne faut pas une légalisation open bar. Il faut la maîtriser avec un cadre très strict. »
– Vous faites partie d’une mission d’information sur le cannabis à l’assemblée nationale. En quoi cela a pesé dans votre réflexion ?
« Avant de me lancer dans cette mission, j’étais assez conservateur sur ce sujet, et pas forcément en faveur d’une légalisation. Mais durant les deux ans de travail, on a rencontré des associations, des médecins et des policiers qui connaissent le sujet. Et ma vision des choses a évolué. »
– Sur quels points en particulier ?
« Des médecins nous ont parlé de l’usage thérapeutique du cannabis, notamment dans le traitement de la sclérose en plaques. Mais très peu d’entre eux peuvent le prescrire malgré des bienfaits apparents. Ensuite, on se rend compte que la répression mise en place contre les trafics et les consommateurs de cannabis ne marche plus. Nous sommes le pays d’Europe où il y a le plus de consommateurs et celui où la répression est la plus forte. Aujourd’hui, la plupart des peines pour détention de cannabis sont des amendes mais très peu sont payées. Alors que dans le même temps, la lutte contre les stupéfiants coûte un milliard d’euros chaque année. »
– La France est-elle dépassée ?
« Il ne faut pas que l’on donne l’impression de fermer les yeux. Le cannabis est quand même une drogue. Il rend ses consommateurs dépendants. Il ne faut pas considérer les usagers de cannabis comme des délinquants mais comme des toxicomanes. En cela, s’il devait y avoir légalisation, elle devrait être très stricte, notamment sur le suivi médical des consommateurs. Il ne faut pas oublier que 18 millions de Français disent avoir déjà consommé une fois du cannabis. »
– Un projet de loi sur la légalisation du cannabis a-t-il des chances d’être examiné à l’Assemblée avant la fin de votre mandat ?
« Je ne pense pas, malgré une loi déposée par Éric Coquerel, député de la France insoumise. Le gouvernement s’oppose fermement à une légalisation. »
Propos recueillis par Julien Cokelaer
Source : Lavoixdunord.fr