Maire de Reims depuis sept ans, cet élu Les Républicains plaide depuis quelques mois pour une dépénalisation de la consommation. Il a même proposé une expérimentation sur sa ville. Celui qui fut un temps pressenti pour devenir ministre de la Santé en 2017 estime que le cadre tout répressif actuel empêche de mettre en place une vraie politique de santé publique autour des addictions.
Publié le 28/05/2021
Le sujet de la politique du cannabis en France, jadis tabou, prend désormais la lumière et devient de plus en plus prégnant. En la matière, les lignes ont bougé. Je fais partie de ceux qui ont évolué.
Le sentiment m’interdisait de faire gagner la raison. Oui, le cannabis est une drogue. Ces effets sont nocifs. Sa consommation par la jeunesse, un problème de santé publique primordial. Son commerce, une gangrène sécuritaire pour de nombreux territoires de notre pays. Mais, à cause de ces aspects, le cannabis doit faire l’objet d’une réflexion du pays, dans toutes ses composantes.
Pour cela, la proposition par le président de la République d’un débat sur le sujet m’est apparue salvatrice. C’est toujours une bonne chose que de dialoguer mais, attention : un débat, c’est fait pour débattre. Pourtant, les premières réactions nous laissent penser que les conclusions sont déjà écrites et qu’en fait de débat, il s’agira d’entériner une politique française répressive envers les consommateurs.
Une doctrine qui existe depuis plus de 30 ans et qui échoue depuis autant d’années. Le sujet aujourd’hui intéresse les Français et il nécessite un vrai débat. L’Assemblée nationale a conduit des travaux tout à fait sérieux et transpartisans sur le sujet. Sur les territoires, nous constatons un décalage avec les discours nationaux. La consultation sur le sujet, relayée par les parlementaires, a connu un grand succès populaire.
Ce n’est jamais un problème de débattre, au contraire. Les effets du cannabis, comme d’autres substances psychoactives, sont connus. Il ne s’agit pas de les nier, il s’agit de mieux protéger, en particulier les plus jeunes et ceux qui vivent au quotidien les conséquences des trafics.
Ma position pour un débat, que j’ai réclamé en septembre dernier qui doit englober toutes les options est basée sur deux aspects : la sécurité et la sûreté sanitaire. On doit marcher sur ces deux piliers.
Aujourd’hui, le débat existe déjà dans la société et il est plus nuancé et beaucoup moins caricatural qu’il y a quelques années. « Ce n’est plus les babacools soixante-huitards contre les vieux réacs. » Donc, je crois que la France s’honorerait à traiter ce problème sécuritaire et sanitaire avec intelligence, en prenant notamment exemple sur ce qui se déroule ailleurs.
En France, on estime qu’il y a entre 4 000 et 10 000 points de deal. Avec l’ambition d’en fermer un par jour, rappelée par le président de la République, il faudrait entre 10 et 30 ans pour les supprimer. Mais c’est sans compter sur leur réapparition quasi instantanée. Le business du cannabis est tellement rentable, qu’on est dans une spirale infernale.
Là où je partage l’analyse du président de la République c’est, qu’effectivement, quand on fume un joint dans son salon, c’est dans la cage d’immeuble qu’on retrouve les problèmes. Plutôt que d’entretenir la prohibition dont les effets sont délétères dans les quartiers, on peut mettre un vrai frein face à cette paix sociale qu’on achète. Parce que les premiers qui s’inquiètent d’une évolution, ce sont les trafiquants qui redoutent de perdre une manne financière énorme.
L’addiction, enjeu majeur de santé publique
L’hypocrisie actuelle fait qu’on ne considère pas cette question comme un enjeu majeur de santé publique. En France, on ne traite pas comme il se doit le problème central qui est celui de l’addiction. C’est une maladie. La dépendance, qui est d’ailleurs souvent multiple, ne doit pas être traitée comme une délinquance, mais comme une consommation maladive. Le terreau de la dépendance se trouve dans le jeune âge. Or, aujourd’hui, on ne traite pas ce problème.
Aujourd’hui, il faut traiter le cannabis comme les autres substances qui sont considérées comme des drogues (à l’instar du tabac et de l’alcool). C’est-à-dire mettre des moyens, notamment financiers, dans la prévention. On n’a pas de politique sérieuse du sujet. Les consommateurs de cannabis sont vus comme des délinquants alors que, pour une partie qui a une consommation problématique au sens de la santé, il s’agit d’abord de gens qui souffrent d’un problème d’addiction.
Cependant, un problème demeure : en France, quand on parle légalisation du cannabis on imagine tout et n’importe quoi. Pourtant, la légalisation ça ne veut pas dire qu’on fume partout, sans contrainte. Ça veut dire, au contraire, qu’on encadre vraiment, c’est-à-dire : encadrer la consommation, vis-à-vis des mineurs notamment ; contrôler et garantir la sécurité sanitaire des produits ; permettre un meilleur traitement des addictions, c’est-à-dire des malades, que l’on considérerait d’abord comme tels, avant de les prendre pour des délinquants ; attaquer les trafiquants au porte-monnaie ; apporter des rentrées fiscales importantes à l’État qui pourraient être dédiées au renforcement des moyens de la police Nationale et à la lutte contre les trafics ; concentrer l’activité de la police sur ces gros trafiquants, notamment de drogues « dures ».
À la lumière de ces enjeux, on doit sortir des faux-semblants et des réponses toutes faites. C’est un long chemin. Pour des évolutions sur le sujet, il faut poser toutes les questions en amont et réfléchir à tous les aspects.
Toutes ces questions sont fondamentales. Elles ne peuvent être balayées d’un revers de main et je crois que notre pays, en s’emparant de ce sujet, prouverait qu’il peut être une démocratie éclairée.
Source : Lequotidiendumédecin.fr