Ce projet de loi se traduirait par une augmentation des violations des droits humains au nom des politiques des drogues, notamment par l’implication de l’armée dans le traitement et par l’extension de la détention obligatoire.
Lettre ouverte de Harm Reduction International, de l’International Drug Policy Consortium et d’Amnesty International.
Harm Reduction International, le Consortium international pour les politiques en matière de drogues et Amnesty International demandent instamment aux membres du Parlement sri-lankais d’adopter une position ferme contre le projet de loi sur le Bureau de réinsertion, que le gouvernement doit présenter à nouveau avec des amendements au Parlement ce mercredi 18 janvier.
L’approche du Sri Lanka en matière de contrôle et de traitement des drogues est sous le feu des projecteurs des experts et des entités internationales depuis plusieurs années, comme en témoigne l’inquiétude exprimée par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme dans son rapport présenté lors de la 51e session du Conseil des droits de l’homme (12 septembre – 7 octobre 2022). Parmi les aspects critiques soulevés, citons le fort engagement de l’armée dans la répression et la réhabilitation des drogues, la violence dans les centres de réhabilitation des drogues et le recours à la peine de mort pour les infractions liées aux drogues.
Malheureusement, au lieu de prendre des mesures pour mieux aligner les politiques nationales sur ses obligations internationales en matière de droits de l’homme et de lutte contre la drogue, le gouvernement sri-lankais propose de renforcer son approche déjà punitive de la drogue en tentant de promulguer de nouvelles lois qui contreviendraient manifestement au droit international, notamment le projet de loi sur le Bureau de réadaptation, qui permettrait une plus grande implication des forces armées dans le traitement de la toxicomanie. Le plus troublant est le fait que la loi proposée faciliterait les actes de torture et autres mauvais traitements dans les centres de réhabilitation en permettant l’usage de la force au-delà de ce qui est légitime selon les normes internationales et en autorisant formellement l’implication des militaires dans le fonctionnement de ces centres. De plus, en violation du droit à la santé, la loi proposée rendrait la réadaptation obligatoire malgré les preuves qui suggèrent non seulement qu’elle est inefficace mais aussi abusive.
La proposition de loi permet au Président de publier une gazette désignant les membres des forces armées pour « exercer, exécuter et s’acquitter des pouvoirs, devoirs et fonctions » de la loi – ce qui officialise et légalise l’implication des forces armées dans le traitement et la réhabilitation des toxicomanes. En outre, elle ouvrira la porte à la torture et à d’autres mauvais traitements en donnant au personnel des centres le pouvoir d’utiliser la force pour s’assurer que les personnes « exécutent les ordres ». Cette approche violente peut entraîner des blessures graves ou la mort des personnes détenues dans les centres, comme l’a confirmé ce qui s’est passé il y a tout juste six mois dans le centre de réhabilitation de Kandakadu, mais elle est également inefficace, comme l’illustrent les preuves dans le monde entier, ainsi qu’au Sri Lanka.
En outre, le projet de loi, dans sa dernière version, perpétue la pratique de la réhabilitation obligatoire pour les personnes qui consomment des drogues, en la présentant faussement comme une solution à la surpopulation carcérale et une approche plus humaine que l’emprisonnement. Le projet de loi actuel ne précise pas la manière dont les personnes seront envoyées en désintoxication sans leur consentement. Cela signifie que la loi sur les personnes dépendantes des drogues (traitement et réadaptation) (n° 54 de 2007) sera probablement le moyen par lequel les personnes seront envoyées en désintoxication obligatoire par ordonnance judiciaire.
réadaptation obligatoire par ordonnance judiciaire. Il est prouvé que la réhabilitation obligatoire est non seulement inefficace et contre-productive, mais qu’elle entraîne également une rechute plus rapide. Tout aussi important, elle viole les droits fondamentaux que sont la liberté, l’autorité corporelle et la santé. Ce constat a été réitéré par 12 agences des Nations unies, qui ont appelé à la fermeture immédiate de tous les centres de réhabilitation obligatoire pour toxicomanes.
En outre, il est prouvé que le traitement coercitif a des effets négatifs sur la santé et va à l’encontre des preuves établies en matière de santé publique. Les données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) montrent que la réponse punitive à la consommation de drogue n’a pas permis de réduire les dommages liés à la drogue, et cet échec est de plus en plus reconnu dans le monde. Au contraire, les lois doivent garantir que les personnes qui consomment des drogues ont accès à des services de santé de qualité, fondés sur des preuves et centrés sur les droits de l’homme, qui sont volontaires et communautaires.
Alors que le gouvernement du Sri Lanka présente à nouveau le projet de loi au Parlement demain, nous vous demandons instamment d’adopter une position ferme à son encontre. L’adoption d’une loi qui pourrait éloigner davantage le pays des normes internationales en matière de droits de l’homme et de politique des drogues ouvrirait la voie à de nouvelles violations des droits de l’homme et mettrait en danger la vie et la santé des personnes qui consomment des drogues. En outre, l’adoption de cette loi affaiblirait la position du Sri Lanka au niveau international, ainsi que ses relations avec les partenaires internationaux du développement qui sont profondément préoccupés par la situation des droits de l’homme dans le pays ; tout en omettant clairement de traiter la question de la consommation de drogues et des méfaits liés à la drogue auxquels sont confrontés les Sri Lankais.