Le 10 octobre 2023, Santé Canada a publié un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu », qui résume les résultats de l’examen législatif de la Loi sur le Cannabis de 2018. Ce rapport met en lumière les défis rencontrés par les opérateurs légaux de cannabis pour réaliser des bénéfices et devenir financièrement viables. Dans cet article, nous explorerons en détail les conclusions du rapport, les raisons sous-jacentes à ces défis, et les perspectives pour l’avenir de l’industrie du cannabis au Canada.
Contexte de l’examen législatif
L’examen législatif de la Loi sur le Cannabis a été initié par Santé Canada en septembre 2022. Cette loi, entrée en vigueur en octobre 2018, a légalisé l’usage du cannabis pour les adultes au Canada. Selon les dispositions de la loi, le ministre canadien de la Santé est tenu de procéder à un examen de la législation trois ans après son entrée en vigueur.
Le groupe d’experts chargé de cet examen, présidé par Morris Rosenberg, a travaillé en collaboration avec le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, et la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett. L’objectif principal de cet examen était d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Loi sur le Cannabis, en particulier en ce qui concerne la protection de la santé et de la sécurité des Canadiens, ainsi que l’adaptabilité de la loi pour répondre aux besoins changeants de la société.
Pour recueillir des données et des avis, une consultation publique a été lancée, encourageant tous les Canadiens à partager leurs perspectives sur la légalisation du cannabis pour les adultes. Cette consultation comprenait un questionnaire en ligne et la possibilité de soumettre des commentaires écrits, le tout dans le but d’obtenir une image complète des répercussions de la loi sur divers aspects de la société.
Conclusions et résultats
Le rapport « Ce que nous avons entendu » met en avant plusieurs constatations significatives à la suite de cet examen. Plusieurs parties prenantes, y compris des experts en santé publique, ont exprimé leur soutien aux restrictions publicitaires pour les entreprises de cannabis ainsi qu’aux limites de THC pour les produits comestibles. Certains ont même suggéré d’envisager des limites d’âge plus strictes pour l’achat, la possession et la distribution de cannabis.
Les experts en santé publique ont souligné l’importance de se concentrer sur la réduction des méfaits liés à la consommation de cannabis, aux produits à haute puissance, aux formats de produits à haut risque, à la consommation de plusieurs substances, à la consommation de cannabis pendant la grossesse et l’allaitement, à la conduite automobile sous l’influence du cannabis, et aux empoisonnements d’enfants causés par le cannabis. Ils ont également plaidé en faveur d’une approche de précaution, incluant la limite de 10 milligrammes de delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) pour les produits comestibles à base de cannabis, ainsi que des restrictions sur leur promotion.
La réduction du marché illicite du cannabis a été un point positif, mais certains experts en sécurité publique demeurent préoccupés par les ventes illégales. Le rapport indique que la croissance des ventes légales a incité de nombreux consommateurs à migrer vers des fournisseurs légaux. Cependant, les estimations de la part de marché légale varient, et des inquiétudes subsistent quant à la qualité et à la disponibilité des produits légaux.
En ce qui concerne l’accès au cannabis légal, le rapport souligne que bien que le nombre de points de vente au détail ait augmenté depuis la légalisation, la densité de ces points de vente varie considérablement d’une province à l’autre. Par exemple, en septembre 2022, le Québec comptait environ un magasin de détail pour 100 000 habitants, tandis que l’Alberta en comptait plus de 20. La densité géographique varie également, avec certaines régions rurales et éloignées ayant un accès limité au cannabis légal.
Défis économiques pour les opérateurs légaux de cannabis
L’une des révélations les plus frappantes du rapport concerne les difficultés économiques rencontrées par les opérateurs légaux de cannabis au Canada. Selon les représentants de l’industrie, de nombreuses entreprises ont du mal à réaliser des bénéfices et à maintenir leur viabilité financière.
Plusieurs facteurs économiques sont identifiés comme responsables de ces difficultés. Tout d’abord, le marché du cannabis est décrit comme hyper-compétitif, ce qui crée une pression sur les producteurs et les détaillants. De plus, les coûts associés à la conformité réglementaire, tels que les frais réglementaires annuels, les majorations, et les taxes, sont perçus comme excessifs.
Les acteurs de l’industrie ont souligné que d’autres secteurs, comme l’alcool et le tabac, ne sont pas soumis à des frais réglementaires fédéraux et bénéficient de niveaux de majorations et de taxes plus bas. Pour remédier à cette situation, certaines propositions ont été avancées, telles que l’adoption d’un modèle « à la carte » pour les frais réglementaires, la suppression des frais réglementaires annuels, ou l’instauration d’un cadre de taxe d’accise progressive, où le taux d’imposition serait lié à la taille de l’entreprise ou au prix du produit.
D’autres suggestions incluent l’ajustement du taux de taxe à 10 % pour le cannabis séché, par opposition au modèle actuel de 1 $ ou 10 % par gramme, selon le montant le plus élevé. Ces propositions visent à soulager le fardeau financier des opérateurs légaux de cannabis et à favoriser leur rentabilité.
Prochaines étapes
Le rapport « Ce que nous avons entendu » marque la fin de la première phase de l’examen législatif de la Loi sur le Cannabis. Pour la deuxième phase de ce processus, le groupe d’experts prévoit de réengager les parties prenantes dans des tables rondes multisectorielles et d’organiser d’autres discussions pour approfondir leur compréhension des enjeux.
Le rapport final, basé sur les données recueillies et les perspectives recueillies, devrait être déposé au Parlement d’ici mars 2024. Il comprendra des conseils et des recommandations pour l’avenir de l’industrie du cannabis au Canada, ainsi que des propositions visant à résoudre les problèmes économiques auxquels sont confrontés les opérateurs légaux.
En conclusion, le rapport « Ce que nous avons entendu » offre un aperçu des défis auxquels est confrontée l’industrie légale du cannabis au Canada, tout en soulignant les préoccupations liées à la santé publique et à la lutte contre le marché illicite. L’avenir de cette industrie dépendra de la capacité des décideurs à trouver un équilibre entre la réglementation, la rentabilité des entreprises et la satisfaction des besoins des consommateurs. Le rapport final, attendu en 2024, devrait jouer un rôle crucial dans l’orientation de l’industrie du cannabis au Canada.
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