Les députés de la mission d’information sur « la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis » ont auditionné ce mercredi deux professeurs membres de l’Académie de médecine et de l’Académie de pharmacie. Une heure de discussion au cours de laquelle le toxicologue (Professeur Jean-Pierre Goullé) et le pharmacologue (Professeur Jean Costentin) ont battu en brèche les arguments en faveur d’une légalisation à court-terme du cannabis pour ses usages thérapeutiques.
Une douche froide. Devant les députés, les professeurs Jean-Pierre Goullé et Jean Costentin, des Académies de médecine et de pharmacie, ont délivré véritable réquisitoire contre les usages supposés bénéfiques du cannabis dit « thérapeutique ». Une intervention qui, selon Robin Reda (LR), le président de la mission d’information, vient « perturber l’unanimité politique » autour de l’expérimentation adoptée à l’unanimité par les députés, en octobre dernier.
Confusion sémantique
Les deux Professeurs ont martelé l’impossibilité, selon eux, d’utiliser le qualificatif « thérapeutique » à propos du cannabis, celui-ci n’étant pas un médicament. Un médicament étant l’extraction d’un principe actif, généralement issu d’une plante, qui est ensuite purifié, raffiné et contrôlé, pour déboucher sur une substance dûment contrôlée par la méthode des doubles panels, l’un avec un placebo, l’autre avec le principe actif. Or, selon les deux experts, dans le cas de l’essai lancé, ce qui est testé n’est pas un principe actif mais un « mélange végétal composé de 200 principes actifs différents » ce qui ne peut, indiquent-ils, « apporter les garanties qui définissent un médicament ».
Tout au long de leur audition, les deux professeurs ont assuré que l’étude des principes actifs du cannabis, que ce soit le THC (Tétrahydrocannabinol) ou le CBD (Cannabidiol), n’a jamais débouché sur la création de médicaments, du fait d’un rapport « bénéfice/risque » toujours défavorable. Seule exception, le Nabilone, un traitement destiné à lutter contre les nausées provoquées par la chimiothérapie et contre les douleurs chroniques. Une rare exception, selon eux, malgré un investissement « considérable » de laboratoires pharmaceutiques pour parvenir à un médicament cannabinoïde bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché. Le cannabis dit « thérapeutique » est à leurs yeux un « abus de langage », concluent-ils.
« Je vous rappelle que selon la conclusion de l’Académie de médecine c’était ‘un faux-médicament, une vraie drogue’. A ce jour, à cette heure, nous en sommes toujours au même point.« Professeur Jean Costentin
CBD/THC, une distinction trompeuse du « cannabis bien-être » ?
Le pharmacologue Jean Costentin s’est également montré peu disposé à défendre l’intérêt d’un cannabis CBD (Cannabinoïde), vu comme un bon cannabis aux vertus relaxantes, face à un THC (Tétrahydrocannabinol), vu comme le mauvais cannabis avec des molécules psychoactives classées comme produit stupéfiant. Il a notamment mis en garde contre une possibilité méconnue de transformation du CBD, au contact du PH acide de l’estomac, en THC pour « une partie significative » du produit, si celui-ci n’est pas encapsulé dans une gélule protectrice.
Mises en garde sur la schizophrénie
Abordant cette fois la question du cannabis récréatif, les professeurs ont rappelé aux députés les différentes études qui font état d’une forte hausse de la proportion de jeunes adultes développant une schizophrénie après avoir consommé du cannabis durant leur adolescence. Le professeur Jean Costentin assure qu’une étude néo-zélandaise aurait établi que 2,5% des jeunes adultes développaient une schizophrénie suite à la consommation de cannabis entre 15 et 18 ans (au lieu de 1% habituellement). Un chiffre qui s’élèverait à 10% pour les jeunes ayant consommé du cannabis entre 12 et 15 ans. « Le lien est devenu désormais parfaitement irréfragable ! », a affirmé le pharmacologue devant les députés.
Durant cette audition, les députés de la mission d’information ont questionné les deux professeurs sur les demandes pressantes de patients contraints de se rendre dans d’autres pays pour se procurer du cannabis afin de soulager leurs douleurs. Un effet bénéfique réfuté par Jean Costentin notamment en raison de sa durée limitée dans le temps : « Une des caractéristiques des effets du THC c’est un phénomène de tolérance. Un produit tel que le THC voit au long cours son efficacité diminuer et disparaître. »
A l’issue des débats, le sentiment qui prédomine est que les certitudes d’hier sur les délimitations du cannabis « bien-être », « thérapeutique », et « récréatif », et sa « filière chanvre », sont peut-être plus floues qu’il n’y paraissait sur certains aspects. Les députés ont poursuivi leurs auditions de l’après-midi avec des associations, un exploitant agricole et un responsable de collectivité locale. La mission d’information a jusqu’à la fin de l’année pour, au fil de son travail et de ses auditions, se forger une conviction sur l’évolution éventuelle de la législation française en matière de cannabis.
Source : lcp.fr