Par Soline Roy
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Des études démontrent l’efficacité du cannabidiol, un composé non psychoactif, contre certaines formes de la maladie.
«De vraies données, enfin.» Les résultats publiés fin mai dans le New England Journal of Medicine étaient attendus, en témoigne le titre de l’éditorial qui l’accompagne. «Le cannabis médical est un dossier chaud dans le traitement de l’épilepsie », estime Samuel Berkovic, auteur de l’éditorial et neurologue à l’Université de Melbourne (Australie).
Souvent évoqués dans les consultations d’épileptologie, la presse et les congrès scientifiques, le cannabidiol et sa supposée efficacité contre l’épilepsie font l’objet de travaux de recherche depuis au moins les années 1970. Des résultats ont montré, dans des modèles in vitro et sur l’animal, une efficacité contre les crises convulsives de ce composé non psychoactif du cannabis. Mais chez l’homme, on manquait de données fiables issues d’études solides.
Une étape a été franchie avec une étude internationale pilotée par l’Américain Orrin Devinsky (New York University) et la Britannique Helen Cross (University College London). Dans 23 centres aux États-Unis et en Europe, 120 enfants et adolescents atteints d’une forme rare et grave d’épilepsie d’origine génétique, le syndrome de Dravet, ont participé à l’essai. Âgés de 2 à 18 ans, ils prenaient 1 à 5 médicaments antiépileptiques qui ne suffisaient pas à empêcher les crises de survenir. Après 4 semaines d’observation, durant lesquelles le type et la fréquence des crises étaient scrupuleusement notés, les enfants ont reçu pendant 14 semaines un placebo, ou une solution contenant 20 mg de cannabidiol par kilo de poids corporel. Ce médicament, l’Epidiolex, est produit par le laboratoire GW Pharmaceuticals, qui a financé l’étude.
Résultats : dans le groupe traité au cannabidiol, le nombre médian de crises est passé de 12,4 à 5,9 par mois, soit une baisse de 39 %. «Le pourcentage de patients ayant eu une réduction d’au moins 50 % du nombre de crises convulsives était de 43 % avec le cannabidiol », et 3 enfants sont devenus totalement libres de crises, rapportent les auteurs.
Effets indésirables
Quant aux participants ayant reçu le placebo, 27 % ont eu au moins moitié moins de crises, et leur fréquence médiane a diminué de 13 % (de 14,9 à 14,1 par mois). Un chiffre qui n’étonne pas les auteurs : «Dans certaines études sur les médicaments antiépileptiques, les placebos ont une efficacité supérieure à 20 %», explique au Figarole Pr Orrin Devinsky.
À l’issue de cet essai, tous les participants ont pu bénéficier du médicament au cannabidiol. L’efficacité à long terme est en cours d’investigation mais «certains patients prennent le produit depuis plus d’un an avec de bons résultats », se réjouit Orrin Devinsky.
De bons résultats, surtout pour ce type de syndrome gravissime et résistant aux traitements. Pour autant, ces premières «preuves solides et rigoureusement scientifiques » en faveur du cannabidiol n’en font «pas une panacée », avertit le médecin. D’une part car les événements indésirables restent nombreux : diarrhée, vomissement, fatigue, fièvre, somnolence et, chez certains, anomalies transitoires du fonctionnement hépatique. «Ce n’est pas rare dans les essais sur les médicaments antiépileptiques, nuance toutefois le Pr Devinsky, et globalement la tolérance du cannabidiol est tout à fait favorable comparé aux traitements existants.» Et ces effets secondaires sont aussi présents, en moindre proportion, chez ceux qui ont reçu un placebo.
Mais le cannabidiol n’est pas efficace à 100 % (il n’a notamment pas réduit de façon significative la fréquence des crises non convulsives, comme les absences) et ne sera pas indiqué dans toutes les épilepsies. «Une multitude de chemins peuvent mener à la crise, expliquait auFigaro il y a quelques mois Christophe Bernard, neurobiologiste à l’Inserm. Un antiépileptique qui “bouche” l’une de ces routes ne bloquera pas les autres.»
GW Pharmaceuticals dispose déjà de résultats positifs dans une autre épilepsie grave, le syndrome de Lennox-Gastaut, et s’apprête à demander une autorisation de mise sur le marché pour l’Epidiolex dans les deux indications, «très bientôt aux États-Unis, et peu après en Europe », explique Chris Tovey, membre de la direction de GW Pharmaceuticals. D’autres études en cours ciblent la sclérose tubéreuse de Bourneville et les spasmes infantiles.
Quatre ans après un retentissant reportage de CNN qui vantait les miracles du cannabis médical chez Charlotte, une petite fille épileptique aux États-Unis, «cette étude représente le début d’une preuve solide en faveur de l’usage des cannabinoïdes contre l’épilepsie », conclut Samuel Berkovic dans son éditorial. Mais seulement le début.
Source : Le Figaro