« La lutte contre le trafic de drogue ne se gagne pas avec des balles. Elle se gagne en leur prenant leur marché. » José Pepe Mujica
José ‘Pepe’ Mujica, cet homme à la parole simple mais profonde, était bien plus qu’un ancien président. Il restera une figure d’intégrité, de courage et d’humilité. Pour ceux qui, comme nous, militent pour la liberté et la justice, il incarnait la force tranquille de ceux qui ne plient pas devant l’injustice, qui parlent pour les sans-voix et qui, malgré les tempêtes, restent enracinés dans leurs valeurs.
Né en 1935, Mujica a grandi au milieu des luttes sociales de l’Uruguay. Ancien guérillero Tupamaro, il a payé cher son engagement pour la justice sociale, emprisonné pendant plus d’une décennie dans des conditions inhumaines. Pourtant, c’est de cette épreuve qu’il a émergé avec une sagesse rare, forgée dans la douleur et l’espoir.
En tant que président, il a transformé l’Uruguay en devenant, le 10 décembre 2013, le premier État au monde à légaliser la production, la distribution et la consommation récréative de cannabis. Cette initiative visait à reprendre le contrôle de ce marché des mains du crime organisé et à le placer sous la responsabilité de l’État, offrant ainsi un modèle inédit au monde. Le projet de loi, adopté par le Sénat avec 16 voix sur 29, reposait sur une vision claire : mettre fin à l’hypocrisie de la prohibition, réduire la violence liée au narcotrafic et protéger la jeunesse de la criminalité. Malgré l’opposition de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), qui dénonçait une violation des conventions de l’ONU, Mujica et son gouvernement ont choisi de tracer une nouvelle voie, plus humaine et plus réaliste.
La loi prévoyait trois façons d’accéder au cannabis : la culture à domicile (limitée à six plants par foyer), l’inscription à des clubs de consommateurs et l’achat en pharmacie, encadré par des limites strictes (40 g par mois et 10 g par semaine par personne). Cette régulation complète, inédite à l’époque, a fait de l’Uruguay un pionnier, inspirant de nombreux autres pays à reconsidérer leur approche des politiques antidrogue.
Mais Mujica ne s’est pas arrêté là. Sous sa présidence, l’Uruguay a également légalisé l’avortement et le mariage homosexuel, confirmant son engagement profond pour les droits humains et les libertés individuelles.
Pour Mujica, la politique n’a jamais été une affaire de pouvoir, mais une question de service et de responsabilité envers les autres. Vivant humblement dans sa petite ferme, refusant les privilèges du pouvoir, il a montré qu’un dirigeant peut être proche de son peuple, qu’il peut gouverner sans s’isoler, sans perdre de vue ceux pour qui il se bat.
Ce mardi 13 mai 2025, Pepe nous a quittés, emporté par un cancer de l’œsophage. Mais son humanité et son authenticité resteront une source d’inspiration pour nous, militants du CIRC, et pour tous ceux qui croient en un monde plus juste, plus libre et plus solidaire. Comme lui, nous refusons de nous taire face à l’injustice, nous refusons de céder à la peur et nous choisissons de marcher debout, libres, malgré les obstacles.
Merci, Pepe, pour ton exemple, pour ta voix, pour ta foi inébranlable en l’humain. Que ton combat pour la liberté et la dignité humaine continue de nous guider, nous inspirer et nous unir.
Avec respect et admiration,
Les militant(E)s du CIRC
« Les Uruguayens fêtent la légalisation du cannabis »
«…De gros nuages de fumée envahissent la place de la Liberté, en plein centre-ville de Montevideo. Une fumée qui ne vient pas des pots d’échappement des voitures qui roulent aux abords de la place, mais de centaines de joints. Les pétards de cannabis allumés par des militants venus fêter la légalisation, mardi soir, de la production, la vente et la consommation de cannabis. […] Aux premiers rangs du cortège, Matias lève le poing. « Cela me paraît une grande avancée pour l’Amérique latine, dit-il. Une innovation régionale qui, je l’espère, va faire des petits. » […] Pablo, un cultivateur d’une quarantaine d’années, renchérit: « La guerre contre les narcotrafiquants a été un échec. Cela a contribué à plus de morts, plus de blanchiment d’argent, comme au Mexique. Il est temps de passer à autre chose. » […] Nicolas, 18 ans, cheveux frisés, est venu avec sa petite amie, Valentina, une brune de 16 ans. « Comme les études montrent que deux tiers de la population s’opposent à la légalisation, le devoir des politiciens est de faire évoluer le regard de la société. Désormais, fumer du cannabis n’est plus un tabou en Uruguay. On va notamment pouvoir former des clubs de consommateurs et échanger nos informations et récoltes », considère-t-il. »
Tribune de Genève (Suisse), 12 décembre 2013.
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