Fumer un joint au vu et au su de tout le monde dans la rue sera-t-il un jour autorisé en France au même titre que de griller une cigarette ? Résolument opposés à cette idée depuis les années 1970, les Français semblent désormais ne plus voir d’un si mauvais œil le principe d’une dépénalisation de l’usage du cannabis.
Un vrai « tournant » selon l’institut de sondage Ifop qui a réalisé une étude sur le sujet (étude Ifop pour GRAMS réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 17 mai 2021 auprès d’un échantillon de 2025 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine) que nous vous dévoilons en exclusivité. Légaliser la vente sous le contrôle de l’Etat serait même pour une majorité de citoyens plus efficace que la répression pour lutter contre le trafic.
Une opinion qui n’a cessé d’évoluer vers plus de « souplesse »
« Pour la première fois depuis le vote de la loi de 1970, la dépénalisation du cannabis est soutenue par une majorité de Français : 51 % y sont favorables, soit un taux d’adhésion en hausse de 8 points par rapport à la dernière mesure de l’Ifop (43 % en 2017) et qui s’avère aujourd’hui deux fois supérieur à la première étude menée il y a une quarantaine d’années sur le sujet (27 % en 1977) », souligne l’institut de sondage.
Légaliser pour proposer de meilleurs produits
Une large majorité des Français s’accorde en tout cas pour juger « inefficaces » les politiques actuelles de lutte et de répression contre la drogue, que ce soit pour prévenir les risques de santé (à 78 %, + 4pts), limiter la consommation de cannabis (83 %) ou enrayer les trafics (84 %).
« Une douzaine d’Etats américains l’ont fait et non seulement cela n’a pas provoqué un tsunami de consommation de cannabis comme certains le prédisaient, mais le cannabis vendu et contrôlé par les pouvoirs publics est de bien meilleure qualité, souligne l’addictologue Michel Hautefeuille. Vous ne vous retrouvez pas à fumer des produits qui contiennent tout et n’importe quoi, comme des mélanges de pneu et de henné. »
Rendre légal ce produit stupéfiant, certains élus y sont radicalement opposés et le professeur de toxicologie Jean-Claude Alvarez estime que ce serait une décision contraire à la santé publique : « On fait croire aux gens que le cannabis est un produit gentil, presque écolo, alors que c’est une drogue dangereuse qui multiplie par deux le risque d’accident si vous conduisez, provoque des problèmes cardiaques et favorise la schizophrénie ».
Assécher les trafics
67 % des Français estiment que la « légalisation régulée » du cannabis permettrait de « reprendre le contrôle » face aux trafiquants et de mieux protéger la santé des consommateurs. « Dépénaliser sans aucun contrôle de l’État serait la pire des solutions car on laisserait le champ libre au trafic sans aucune règle, ni loi ni protection des usagers », considère Michel Hautefeuille.
Mais si demain l’État légalisait et gérait la production et la commercialisation de ce produit stupéfiant, « cela n’empêcherait pas les trafiquants de vendre des produits moins chers, plus forts et de mauvaise qualité au marché noir », rétorque le professeur de toxicologue Jean-Pierre Goullé.
« Si l’on est loin d’avoir encore un consensus sur la dépénalisation, l‘opinion publique se montre en revanche plus que jamais acquise à l’idée d’une commercialisation du cannabis sous contrôle des pouvoirs publics, souligne Gautier Jardon. Près des deux tiers des Français (62 %, + 10 points par rapport à 2016) pensent que ce serait en effet plus efficace pour lutter contre le trafic ».
Fin mai, une proposition de loi transpartisane avait d’ailleurs été déposée dans ce sens et une mission parlementaire coordonnée par une députée LREM proposait en mars une légalisation sous contrôle. Mais le président de la République y est fermement opposé.
Source : Leparisien.fr