Rapporteure d’une mission d’information parlementaire sur le cannabis récréatif, la députée LREM du Loiret estime qu’on a « trop longtemps considéré l’idée d’une dépénalisation comme étant celle d’une promotion ou d’une banalisation » du cannabis. Emmanuel Macron s’est dit contre une légalisation, mais veut un grand débat sur la « consommation de drogue ».
La députée LREM du Loiret, Caroline Janvier, est rapporteure thématique de la mission d’information commune sur la question de la légalisation du cannabis, dont les conclusions seront présentées début mai 2021. Elle explique que pour elle le « meilleur moyen de lutter contre les effets délétères du cannabis, du trafic et du reste, c’est de légaliser ». Entretien.
Vous dîtes que la légalisation du cannabis n’est qu’une question de temps. Pourquoi ?
C’est le sens de l’histoire. On ira vers la légalisation à un moment ou un autre. Ce n’est plus un tabou en France. Et les sondages nous indiquent qu’une très grande majorité de nos concitoyens considèrent notre législation prohibitionniste actuelle inefficace.
La mission d’information parlementaire sur l’usage du cannabis dit récréatif a aussi ouvert une consultation sur internet : plus de 250 000 personnes ont participé. Et huit sur dix se disent d’accord avec une autorisation de la consommation et de la production de cannabis dans un cadre régi par la loi. Je note aussi qu’un certain nombre d’élus ont évolué sur le sujet ces dernières années.
Emmanuel Macron vient néanmoins d’affirmer son opposition à une dépénalisation…
Il a donné son avis sur cette question, mais a aussi proposé l’ouverture d’un grand débat. Notre rapport, qui sera présenté début mai, permettra peut-être de faire changer le président d’avis. En voulant ouvrir un débat, il dit aussi être prêt à entendre tous les arguments.
Lesquels ?
Moi je crois que l’on s’est longtemps trompé de débat, en considérant notamment que légaliser c’était soit promouvoir, soit banaliser le cannabis. À côté de ça, depuis cinquante ans, on poursuit la même politique publique de répression et de prohibition de ce produit.
Or, que voit-on dans les résultats ? Une augmentation continue de la consommation (900 000 utilisateurs quotidiens, cinq millions d’occasionnels). Alors que dans les pays où on a légalisé, on a fait baisser aussi la consommation. Donc moi je dis que la légalisation est la meilleure façon de lutter contre les dangers.
Ceux induits par le produit et les trafics ?
Effectivement. Avec un marché géré par des dealers, vous ne contrôlez pas ce qui est vendu. Or, on voit que la teneur en THC (molécule aux effets psychotropes) augmente d’année en année. Que la résine de cannabis est aussi coupée avec tout d’un tas d’autres substances. On a aussi du cannabis de synthèse beaucoup plus dangereux. Par ailleurs, vous échouez à protéger les plus jeunes, qui sont bien sûr les plus vulnérables, peuvent subir des pertes de concentration et de mémorisation.
On peut aussi leur proposer des drogues dites dures (cocaïne, héroïne, etc.). Cela ne serait pas possible avec un marché régulé par l’État, qui impliquerait un contrôle de la substance, de l’âge du consommateur et bloquerait les « passerelles » avec d’autres drogues. Cela réduirait aussi l’insécurité engendrée par les points de deal dans des quartiers et tous les trafics associés (armes, proxénétisme, etc.)
Vous dîtes aussi que cela pourrait rapporter à l’État ?
Oui. Un rapport de 2019 du conseil d’analyse économique (instance composée d’économistes et chercheurs, placée auprès du Premier ministre et qui a pour mission d’éclairer les choix du gouvernement, N.D.L.R.) indique que la politique de lutte contre le cannabis coûte plus d’un demi-milliard d’euros par an. Et qu’elle est un échec. Donc on a quelque chose qui coûte, ne fonctionne pas, alors que ça pourrait nous rapporter près de trois milliards d’euros si on autorisait et on régulait le marché. Autant d’argent qui pourrait être investi dans la prévention, la formation, dans les quartiers concernés aujourd’hui par les trafics…
Cette question sera un thème de la campagne présidentielle ?
Elle aura sa place dans cette campagne électorale. Je pense d’ailleurs que de nouveaux candidats se déclareront en faveur de la légalisation du cannabis. En tout cas, c’est ce que j’appelle de mes vœux. Il est temps qu’on avance sur cette question, dont beaucoup d’autres pays se sont déjà saisis ces dernières années (Canada, États-Unis, etc.). C’est un sujet de société, de sécurité, qui a un impact lourd sur le quotidien des Français.
Source : Ouest-france.fr