L’expérimentation du traitement par cannabis thérapeutique, votée par l’Assemblée, n’a toujours pas donné lieu à un décret d’application. Photo d’illustrration Julio PELAEZ
Publié le 15 septembre 2020 | Par E. B. pour le Républicain-Lorrain
Apaiser la douleur grâce au cannabis thérapeutique. C’est ce qu’attendent des milliers de patients qui ont placé leurs espoirs dans l’expérimentation de ce traitement en France. Une mission parlementaire demande à l’exécutif d’accélérer sur ce dossier en souffrance.
Il y a urgence !
Après les malades, il y a une semaine, des députés pressent le gouvernement d’accélérer sur le cannabis thérapeutique.
L’an dernier, au moment du budget de la Sécurité sociale, l’Assemblée nationale avait voté pour son expérimentation. Sauf qu’un an après le feu vert du Parlement, le dossier est au point mort. Le décret d’application n’est toujours pas publié, et l’État n’a prévu aucun budget à cet effet. Gabriel Attal, le porte-parole du Gouvernement, a promis sur BFM-TV la semaine dernière que le décret serait signé « avant la fin de l’année ». Dans un rapport remis ce mercredi, la mission d’information de l’Assemblée sur les différents usages du cannabis demande au gouvernement de passer à la vitesse supérieure. Avec un objectif : pouvoir démarrer en janvier 2021, comme prévu initialement.
Pourquoi une expérimentation ?
Le but n’est pas de tester si le cannabis est efficace pour soulager la douleur. Ce point est déjà validé par les scientifiques, souligne l’Agence du médicament (ANSM). Il s’agit de voir s’il est possible de mettre en place un circuit de mise à disposition du cannabis pour les patients : prescription par les médecins, délivrance par les pharmaciens, approvisionnement en produits, suivi des patients.
C’est le nerf de la guerre, selon les parlementaires. « Sans le soutien des médecins de terrain, on ne va pas y arriver », souligne Robin Reda, président de la mission d’information, qui pointe l’échec de la mise en œuvre en Belgique, faute d’avoir été accompagnée d’une formation des professionnels de santé.
Quel usage médical ?
L’expérimentation s’appliquera aux pathologies graves (lire par ailleurs) dont les douleurs ne sont pas soulagées par d’autres médicaments ou lorsque ceux-ci sont mal tolérés et provoquent des effets indésirables. Pas question de fumer un joint : les médicaments à base de cannabis à usage médical se présenteront sous la forme de fleurs séchées de cannabis pour inhalation par vaporisation et de formes orales et sublinguales à base d’extraits de cannabis solubilisés dans de l’huile.
D’où viendra le cannabis ?
En France, il est interdit de produire du cannabis, même à usage médical. Le cannabis est classé comme stupéfiant, ce qui rend sa culture, son usage, sa détention ou encore son importation illégaux.
L’ANSM pourra bénéficier d’une dérogation, dans le cadre de l’expérimentation. L’idée est d’acheter les produits à l’étranger pour les fournir aux patients. Mais le gouvernement n’a prévu aucune ligne budgétaire à cet effet. Or, il faudrait entre 25 et 30 millions d’euros pour financer le projet, selon les calculs de Nicolas Authier, président du comité scientifique en charge du dossier à l’Ansm.
Repères
Les maladies concernées
Le cannabis thérapeutique sera prescrit dans les cas :
– de douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapeutiques (médicamenteuses ou non) accessibles.
– dans certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes.
– dans certains symptômes rebelles en oncologie dans les situations palliatives ; dans la spasticité (contraction) douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central (blessés médullaires ou atteintes apparentées de la moelle épinière : pathologies génétiques, vasculaires, inflammatoires), ou pathologies cérébrales suite à un accident vasculaire cérébral.
Sous quelle forme ?
Les médicaments à base de cannabis seront mis à disposition soit sous des formes à effet immédiat : mise à disposition de formes sublinguales et inhalées (huile et fleurs séchées pour vaporisation…) soit formes à effet prolongé : mise à disposition de formes orales (solution buvable et capsules d’huile…).
» Cette mesure concerne plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes à bout de nerfs, à bout de souffle, à bout de forces… car rongés à petit feu par des maux quotidiens que les traitements actuels ne permettent pas de soulager. »
Olivier Véran Ministre de la Santé, en novembre 2019. Il était alors député et avait fait voter l’amendement sur le cannabis thérapeutique.
Source R.L.