Une première version de ce texte critique sur ce qu’il faut bien qualifier de film de propagande, a largement circulé sur les réseaux sociaux. Après avoir demandé à son auteur l’autorisation de le publier à notre tour, celui-ci nous en a proposé une version corrigée que nous vous proposons aujourd’hui et nous l’en remercions.
Fédération des CIRC
BAC NORD, LE FILM : UNE CRITIQUE
Avant même le début du film, un encart nous prévient : ce film, s’il s’inspire de fait réels, est bien une fiction; par ailleurs, son intention n’est pas de porter un jugement sur une décision judiciaire. Or aucun de ces deux principes ne me semble vraiment respecté, dans la mesure où le film parle avec précision de la réalité (par le recours, par exemple, à des images d’archives de 2012), et où il prend parti, sans aucune ambiguïté, sur le fond de l’affaire.
Ce qui est intéressant avec Bac Nord, c’est qu’il soulève deux questions fondamentales : d’une part celle du rapport d’un film à la réalité et, d’autre part, celle de la relation complexe, dans un film, entre ce qui relève de l’esthétique et ce qui relève de l’éthique (et du politique). En effet, une œuvre cinématographique propose toujours une façon de percevoir et de penser la réalité (ici, la réalité sociale), et de construire des catégories. En l’occurrence, le monde tel que Cédric Jimenez le montre est me semble-t-il assez simple à décrire, puisqu’il se divise, en gros, en trois catégories.
D’une part, il y a des policiers de terrain, courageux, virils, testostéronés, soucieux de protéger la société des voyous, et prêts, pour cela, à prendre tous les risques (la fin, à savoir la lutte contre le trafic de drogue, justifiant selon eux les moyens).
Deuxième catégories : les voyous, les trafiquants, filmés comme une masse indistincte (on pense à l’esthétique des film de zombies, notamment les films coréens tels que Dernier train pour Busan), inhumaine, animalisée. Notons que ce sont à peu près les seuls habitants des quartiers populaires qui sont montrés dans le film.
Troisième catégorie : les bureaucrates (notamment de l’IGPN) tatillons, peureux, sans virilité, qui empêchent les braves (braves, au sens français comme au sens marseillais) policiers de faire leur travail.
Par son montage, son esthétique, sa musique (et on ne peut séparer l’esthétique d’un côté et l’éthique et le politique de l’autre) le film se donne beaucoup de mal pour nous inciter à tirer les conclusions suivantes :
1. Les dealers (gros ou petits, le films ne fait pas ce genre de distinctions) forment une masse homogène. Ils constituent presque une catastrophe naturelle, comme un cyclone ou une inondation. Ce ne sont pas des personnes, des sujets. Leur agressivité n’a d’égal que le sentiment d’impunité qui les habite. On ne peut donc les traiter comme des humains : seule la méthode forte peut être utilisée contre eux (et le film, à cet égard, en rajoute dans le spectaculaire). Il faut par conséquent intensifier « la guerre contre la drogue », c’est à dire contre les trafiquants, guerre qui ne peut avoir pour terrain que les cités où ils ont établi leur commerce.
2. Les policiers (du moins les trois principaux qui, de fait, sont montrés comme des héros – cf par exemple le traitement musical, sans aucune ambiguïté, qui leur est réservé, la façon dont ils sont filmés, etc.) sont des hommes que nous devons admirer sans retenue, y compris lorsqu’ils s’écartent de la légalité, car ils le font pour la bonne cause : ils protègent les honnêtes gens contre les hordes sauvages avec lesquelles, encore une fois, aucune autre méthode ne semble concevable.
3. L’IGPN devrait être supprimée. Ses agents sont en effet détestables, méprisables, parce que nuisibles.
En réalité, dans le film, ce sont eux les pires méchants : des ronds-de-cuir prétentieux qui cherchent la petite bête, qui empêchent leurs collègues de terrain de travailler en paix, qui se perdent en procédures, qui ne connaissent rien à la vraie vie, et qui donc, indirectement, alimentent le trafic de drogue, et surtout le sentiment d’impunité des trafiquants. Il est plus que gênant qu’un film annonce explicitement qu’il ne prend pas parti, pour ensuite se livrer à une telle propagande, utilisant des moyens esthétiques appuyés (et, à vrai dire, très académiques) pour héroïser les trois personnages principaux, sans aucune nuance ni aucun contrepoint. Car s’il manque bien quelque chose à ce film, c’est bien une pluralité des perspectives, qui pourrait permettre au spectateur de construire son propre point de vue. Ici on a l’impression d’être condamné à seulement deux attitudes : soit on adhère pleinement (et, donc, on accepte les trois conclusions ci-dessus), soit on rejette tout en bloc, et on sort de ce film partagé entre le dégoût et la colère.
La colère, car une telle œuvre, qui a bénéficié d’une promotion impressionnante, peut produire des effets politiques. Et, franchement, je vois mal comment Bac Nord peut constituer autre chose qu’une incitation à voter pour le RN ou pour Zemmour qui, justement, proposent de supprimer les instances de contrôle de légalité (Conseil Constitutionnel, Cour Européenne des Droits de l’homme, etc.). Le trafic de drogue, à Marseille notamment, est un sujet tragique et complexe. Un auteur qui choisit de le caricaturer ainsi, avec une telle orientation idéologique, produit selon moi un acte profondément politique. Si je le rencontrais, j’aimerais par exemple discuter avec lui de l’IGPN.
Dans son film, cette institution, trop dure envers les policiers, produit indirectement un sentiment d’impunité chez les délinquants. Or, dans la vraie vie, par son laxisme envers eux, c’est plutôt chez les policiers que l’IGPN produit de l’impunité. De très nombreux rapports le prouvent, et la France est souvent critiquée par des ONG pour cette raison. Cette dissonance entre la réalité et ce que montre le film est l’une des nombreuses raisons qui expliquent le malaise que produit Bac Nord.
Il y en a d’autres, par exemple le traitement qui est fait de la prison, et peut-être aurai-je l’occasion d’y revenir. Car la prison est également un sujet grâce auquel les discours démagogiques prospèrent.
Marc Rosmini
surtout que le flic est ^pro flic, et montre seulement 3 accusés type « bon flic » de film mais qui ne respecte pas le protocole, alors qu en verité sur les 70 baqueux de tout marseille 35 se sont fait griller il y a des actes de detournement de milliers d euros des innocents envoyes en prison du racket du tabassage etc 18n mis en examen et pres d une dizaine que la justice a reussi a faire condamner.. bref l histoire vraie en film n aurait rien à voir
Par contre, une version corrigée des 3 lignes d’introduction serait la bienvenue. Trois fautes de participes passés en 3 lignes, balèze!!
GOTCHA !