Jeudi 22 mai, auditionné au Sénat, Gérald Darmanin a une nouvelle fois cédé à la tentation du choc politique permanent. Interrogé sur la lutte contre les trafics de stupéfiants, le ministre de l’Intérieur a asséné : « Il faut supprimer l’argent liquide. » Rien que ça.
Sous prétexte de combattre les mafias des drogues, c’est une vieille obsession des élites techno-sécuritaires qui ressurgit : l’abolition du cash, au profit d’une société 100 % traçable, 100 % contrôlée. Ce monde rêvé par certains n’a rien d’une utopie moderne. C’est un cauchemar orwellien aux portes du réel.
Un bagne en Amazonie, un bannissement du cash : le retour du XIXe siècle ?
Quelques jours plus tôt, Darmanin annonçait vouloir rouvrir un centre pénitentiaire ultra-sécurisé en pleine forêt amazonienne, ressuscitant les bagnes de Guyane. Le décor est planté : répression, enfermement, punition, jusque dans les symboles coloniaux les plus sombres.
Et maintenant, c’est au tour de l’argent liquide de passer à la trappe. Ce dernier rempart d’autonomie dans nos vies quotidiennes est présenté comme le complice du trafic. Une ruse habile : qui oserait défendre le cash, s’il sert à dealer ? Le tour est joué.
L’arnaque intellectuelle de la guerre à l’argent liquide
C’est une escroquerie politique et intellectuelle. Le raisonnement est simpliste à l’extrême : le trafic utilise du cash, donc supprimons le cash. En réalité, le problème n’est pas l’argent liquide. Le problème, c’est la prohibition.
Supprimer l’espèce ne fera pas disparaître la criminalité. Elle déplacera les transactions vers d’autres circuits — cryptomonnaies, comptes offshore, blanchiment bancaire organisé — où les mafias sont déjà comme des poissons dans l’eau. Mais ceux qui perdront vraiment, ce sont les citoyennes et citoyens ordinaires :
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Les précaires sans accès aux services bancaires
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Les personnes âgées réfractaires au tout-numérique
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Les travailleurs de l’économie informelle
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Les militants, les donateurs anonymes, les familles modestes
Le cash, c’est la possibilité de vivre sans être profilé, d’aider sans être fiché, d’acheter sans être traqué.
La société de surveillance, ce n’est pas de la science-fiction
Derrière ce projet, il y a le fantasme d’un monde où tout passe par les banques et les algorithmes, sous contrôle des États et des multinationales du numérique. Et dans ce monde-là, la désobéissance devient quasi impossible, car chaque dépense, chaque geste, chaque solidarité non autorisée laisse une trace.
Ce n’est pas un délire complotiste : c’est un projet politique, déjà en marche. Et il avance sous couvert de « lutte contre les drogues », cette guerre sans fin qui ne sert qu’à légitimer toujours plus de répression, toujours moins de libertés.
Le trafic, encore et toujours le prétexte de toutes les dérives
Rappelons une vérité simple : le trafic de stupéfiants existe à cause de la prohibition, pas à cause de l’argent liquide. Si l’objectif était réellement de tarir les sources du crime organisé, on légaliserait, on encadrerait, on régulerait.
Mais non. On préfère maintenir une politique absurde, et en masquer les échecs en désignant des boucs émissaires : les usagers, les quartiers, les dealers de rue, maintenant… les billets de banque.
Une logique autoritaire dangereuse
Après les interdictions, les contrôles faciaux, les drones, la censure administrative et les fichiers à tout va, voilà le tour du portefeuille. Et demain ? Que restera-t-il de nos libertés fondamentales si l’on accepte cela ?
Limiter l’usage du cash aujourd’hui, c’est ouvrir la voie à des restrictions de plus en plus graves :
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Interdiction de certains achats jugés « à risque »
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Blocage administratif de comptes
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Surveillance ciblée des « profils atypiques »
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Suspension de moyens de paiement pour raisons « sécuritaires »
Ce n’est pas une dystopie, c’est le scénario en cours. Et Darmanin vient d’en écrire un nouveau chapitre.
Résister, maintenant
Ne laissons pas le prétexte du trafic de drogues devenir le cheval de Troie de notre servitude volontaire.
Ne troquons pas nos libertés contre une illusion de sécurité, surtout lorsqu’elle est instrumentalisée à la veille d’échéances électorales, dans un climat savamment entretenu de peur et de chaos.
Le combat pour une politique des drogues juste, rationnelle et respectueuse des droits humains, passe aussi par la défense de nos libertés économiques et numériques.
La liberté, ce n’est pas une variable d’ajustement.
Et ce n’est pas Gérald Darmanin qui en décidera.
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