La BBC diffuse une série documentaire animée par l’actrice et mannequin britannique Cara Delevingne. Encore inédite en France, elle s’intéresse à la sexualité sous toutes les coutures et cherche à dépasser le point de vue strictement masculin et hétéro. Une réussite, avec pudeur mais sans pudibonderie, juge la presse outre-Manche.
“Je suis là pour avoir un orgasme et en faire don à la science !” Avec un grand sourire, Cara Delevingne vient rencontrer, en Allemagne, deux chercheurs qui s’intéressent au plaisir sous l’angle de la neurobiologie, et amènent la science du sexe à dépasser les seules questions reproductives.
Planet Sex With Cara Delevingne, diffusée par la chaîne BBC Three depuis le 1er décembre (elle devrait également l’être par Téva, en France, à une date qui reste à préciser), est une série documentaire réussie, affirme The Guardian. Quant aux résultats des tests sanguins réalisés lors de l’expérience, ils permettent d’apprendre que Cara Delevingne “fait partie des 80 % de personnes qui produisent des endocannabidoïdes – oui, une sorte de cannabis produit par l’organisme lui-même – quand elles jouissent.”
Dans le premier épisode, l’actrice et mannequin britannique, ouvertement queer, cherche à expliquer les ressorts d’une statistique connue sous le nom d’“orgasm gap” (fossé orgasmique) : “Le fait que 95 % des hommes hétéros jouissent pendant un rapport sexuel, alors que c’est le cas de 65 % des femmes seulement.” Direction alors les Pays-Bas, pour rencontrer une psychologue et sexologue qui explique à quel point le clitoris est délaissé dans les rapports hétéros, au contraire du pénis, objet de toutes les attentions d’une société où le plaisir des femmes est toujours secondaire. “Delevingne hoche la tête et lève les yeux au ciel à en loucher, ce qui est souvent un commentaire suffisant”, s’amuse Lucy Mangan, la critique télé du Guardian.
Une présentatrice idéale
Si la série fonctionne si bien, c’est grâce à sa présentatrice, affirme le quotidien de Londres. “Elle affiche un mélange parfait d’esprit, de chaleur, d’intelligence et de curiosité. Plus important, elle réussit à être franche et vulnérable – en particulier à propos de l’homophobie et de la honte qu’elle a internalisées et auxquelles elle a toujours du mal à faire face depuis qu’elle est sortie du placard.”
Avec une dose d’humour et de pudeur (on ne voit qu’une porte fermée durant son orgasme à l’hôpital) mais sans pudibonderie, Cara Delevingne traite de nombreux sujets – plaisir, pornographie, orientation sexuelle – en évitant le sensationnalisme. The Guardian souligne que Planet Sex ne creuse pas tout en profondeur, mais qu’elle a le mérite de brosser un large tableau. Et de “s’efforcer de prendre en compte les différents préjugés culturels, interdits sociaux et problèmes juridiques auxquels sont confrontées les femmes du monde entier”.
La presse conservatrice britannique non plus n’a pas boudé son plaisir. Certes, quelques phrases ont pu faire lever les sourcils de Carol Midgley, critique télé de The Times, comme “Avoir un clitoris, c’est un superpouvoir !” Ce qui n’empêche pas la chroniqueuse de saluer la prestation de l’animatrice, tout en se demandant “si ceux qui auraient bien besoin d’un cours de biologie féminine, c’est-à-dire les hommes, se sont donné la peine de regarder”.
Tout aussi convaincue, son homologue dans The Telegraph, Anita Singh, se doute que ses lecteurs se demanderont si le financement du programme est un emploi judicieux de la redevance télévisuelle. Mais Planet Sex s’adresse en particulier à la “génération Z, qui va adorer (il y a bien sûr un épisode consacré au genre). C’est vraiment instructif à certains moments, on explique la sexualité et le désir, mais je soupçonne que ça va aussi titiller un public plus large.”