« On met le cannabis en dernière ligne quand on a épuisé toutes nos cartouches. On peut le mettre en sus de ce qui donne déjà une amélioration », explique le Dr Gérard Mick, médecin neurologue à l’hôpital de Voiron, qui y encadre l’expérimentation du cannabis médical. Photo Le DL /J.-B.B.
Médecin neurologue, coordinateur du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) à l’hôpital de Voiron, Gérard Mick explique être « un des initiateurs » de l’expérimentation en France du cannabis médical, qu’il encadre à Voiron. Pourquoi ? « Parce que, comme tous les cliniciens qui font de la recherche et qui s’occupent de patients aux pathologies douloureuses, complexes, on met tout en œuvre pour essayer de les soulager. »
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D’autant, rappelle-t-il, que les médicaments à base de THC synthétique ou de CBD (comme le Marinol ou l’Epidyolex) existent déjà depuis de nombreuses années – une vingtaine pour le premier – pour des pathologies bien ciblées et dans un cadre restreint. Et que nombre de pays, en Europe et plus largement dans le monde, ont déjà ouvert la voie au cannabis thérapeutique. « La France est à la traîne », assène ainsi le professionnel voironnais : « J’ai beau avoir 65 ans, je voudrais être un médecin de mon temps. »
Les patients “réfractaires” ciblés
En mars 2021, le centre antidouleur de Voiron identie donc une trentaine de patients correspondant aux critères de l’expérimentation, ayant en l’occurrence des douleurs neuropathiques réfractaires (après un AVC par exemple, ou bien causées par une sclérose en plaques ou liées à des altérations ou traumatismes des nerfs) : « Réfractaires, cela signie qu’on a essayé toutes les techniques de référence disponibles et que, malheureusement, soit le patient est intolérant, soit il n’y répond pas », précise le docteur.
Parmi eux, une vingtaine acceptent d’essayer le cannabis médical ; aujourd’hui, quatre l’utilisent encore. « Il y a ceux qui n’ont pas toléré le cannabis, ceux pour lesquels il n’y a pas eu d’ecacité, ceux qui se sont rétractés, qui ont eu un peu peur. Et puis il y a ceux pour lesquels ça a marché. » À l’image de sa patiente chartrousine, que nous avons interrogée dans le cadre de ce dossier. Pour chacun, le dosage de CBD et THC est calibré, « c’est exactement comme en médecine conventionnelle. Au lieu d’avoir des médicaments en comprimé, ce sont des gouttes. Et les patients n’y répondent pas tous de la même manière, c’est quelque chose d’habituel pour nous. »
« Pas de problème d’addiction ni de symptôme de sevrage »
Après quatre ans, le bilan qu’il en tire est sans appel : « Positif, c’est vraiment un traitement de dernière ligne, relativement bien toléré, qui peut aider certains patients, qui peut avoir des eets secondaires, comme tout traitement. Aucun n’a eu de problème d’addiction, ni syndrome de sevrage quand ils ont arrêté. » En la matière, Gérard Mick déplore justement « la confusion avec le cannabis récréatif. Nous, on sait ce qu’on fait, ce qu’on donne et ce qu’on évalue. Et à quels patients on le propose. » Dès lors, il plaide aujourd’hui pour « la mise à disposition dans le droit commun du cannabis médical sous remboursement complet par la Sécurité sociale, chez un certain nombre de patients dont les indications sont précisées » – les cinq situations pathologiques ciblées par l’expérimentation. Ne pas le faire, assure le neurologue, « serait une erreur, ça serait même une faute sociétale, une faute éthique, une faute médicale ». Rien de moins.
Source Le Dauphiné Libéré (article réservé aux abonné(e)s, offert par le CIRC)
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