Prohibition, corruption : Un capitaine de l’Ofast mis en examen pour trafic de stupéfiants. Voilà où nous en sommes, en 2025, après 55 années de politique antidrogue aussi absurde qu’inefficace. Une politique qui n’a ni réduit la consommation ni affaibli les réseaux, mais qui a généré son propre système d’ombre, fait de compromissions, de débordements, de détournements, et désormais — une fois encore — de corruption au sein même des forces censées combattre le trafic.
L’affaire Trident : du fiasco au scandale
En mars 2023, l’antenne marseillaise de l’Ofast, informée par la DEA américaine, se prépare à intercepter 350 kilos de cocaïne dissimulés dans un conteneur de bananes en provenance de Colombie. L’opération “Trident”, censée permettre une livraison surveillée et l’interpellation d’un des caïds de la drogue marseillaise, tourne au fiasco : la drogue disparaît, aucune arrestation n’est effectuée… et des soupçons de revente par les policiers eux-mêmes émergent.
Vendredi 13 juin 2025, le chef du groupe d’intervention est mis en examen pour, entre autres, importation de stupéfiants en bande organisée, trafic de stupéfiants, faux en écriture publique, et captation illégale d’images. Une enquête interne révèle des perquisitions illégales, manipulation d’argent sale et utilisation non autorisée de dispositifs de surveillance. Le tout avec l’assentiment d’une hiérarchie qui, selon plusieurs sources, aurait fermé les yeux, voire encouragé à poursuivre l’opération malgré ses dérives manifestes.
Quand l’État devient son propre poison
Que reste-t-il à dire ? Que cette affaire est un “cas isolé” ? Ce refrain ne tient plus. Les cas se répètent. La BRI, la douane, la police des frontières, l’Ofast, l’IGPN même… : toutes ces institutions ont été touchées, à des degrés divers, par des affaires de corruption liées au trafic de stupéfiants. Le système prohibitif fabrique ses monstres. Là où il y a argent facile, risque faible, et interdiction, il y a marché noir — et dans son sillage, la tentation, la compromission, la chute.
Ce n’est pas une surprise. C’est le même scénario que durant la prohibition de l’alcool aux États-Unis dans les années 20-30. Une armée de trafiquants enrichis par l’illégalité, une société pervertie par la peur et la soif de pouvoir, une police infiltrée, achetée, neutralisée. Il avait fallu créer “Les Incorruptibles”, une brigade d’exception dirigée par Eliot Ness, pour tenter de sauver l’honneur d’un système en ruine. En vain. La prohibition a été abolie en 1933, parce qu’elle produisait plus de violence, de criminalité et de corruption que de sobriété.
Que faut-il de plus pour ouvrir les yeux ?
Cela fait 55 ans que la France est engagée dans cette guerre contre les drogues. 55 ans d’acharnement répressif, de lois toujours plus sévères, de moyens toujours plus massifs. Et les résultats ? Le trafic explose, la consommation augmente, les prisons débordent de petits consommateurs ou de vendeurs de rue… pendant que les réseaux prospèrent dans l’impunité relative que leur garantit la clandestinité.
Et maintenant, même les gendarmes de cette guerre sont mouillés jusqu’au cou.
Qu’attendons-nous pour changer de cap ?
Combien de vies brisées ?
Combien de familles détruites ?
Combien de policiers pervertis, ou suicidés sous pression ?
Combien de milliards dépensés pour rien, sinon nourrir un système mafieux alimenté directement par la loi elle-même ?
Un appel à la raison et au courage politique
Le CIRC le répète depuis des années : il ne s’agit pas de nier les dangers des drogues, mais de comprendre que la prohibition ne protège pas, elle aggrave. Elle livre la régulation des substances à des réseaux criminels, laisse les consommateurs sans information fiable, sans produits contrôlés, sans recours en cas de problème. Et elle transforme la police républicaine en tentatrice ou en complice, faute d’alternative.
Légaliser, réguler, informer, accompagner : voilà le seul chemin pragmatique, humain et efficace.
La France peut choisir de continuer à s’enfoncer dans cette politique répressive criminogène, ou elle peut faire ce que d’autres pays ont fait : tirer les leçons de l’Histoire.
Elle peut enfin reconnaître que le véritable poison, ce n’est pas la drogue, c’est l’idéologie de la guerre.
Il est plus que temps de désarmer cette guerre-là.
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