Vaste débat qu’est le sujet du cannabis en France. Faut-il le légaliser, le dépénaliser ? Vous pourrez en débattre à Alençon (Orne) jeudi 3 octobre 2019 à la Halle aux Toiles.
Un ancien ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant, se déplacera à Alençon (Orne) pour aborder le sujet de la légalisation du cannabis en France.
Imaginez : « Et si l’Orne devenait terre de test pour la légalisation du cannabis ? ». C’est la question, qui vous sera posée jeudi 3 octobre 2019 à la Halle aux Toiles à 18h30.
Au cœur du débat populaire en France, la légalisation ou non du cannabis fait couler de l’encre. Tranché, ou pas, tout le monde a un avis.
Un rapport parlementaire déposé
Daniel Vaillant sera là pour répondre aux questions de l’assistance sur ce thème. Il connaît bien le sujet, il avait notamment déposé un rapport parlementaire, mais qui n’avait jamais connu de suite.
L’idée de mettre en lumière ce débat populaire durant cette soirée est née il y a presque un an. Comme l’explique Joaquim Pueyo, député et ancien maire d’Alençon :
« Quand j’ai mis en place le conseil consultatif citoyen, on a fait une réunion en 2018. On a pu aborder tous les thèmes. Et dans le public, des gens ont posé cette question. »
Avec la mise en place de soirées de réflexion, autour de la santé, de la fin de vie ou encore du climat, Joaquim Pueyo s’est donc engagé à organiser un débat autour du cannabis.
« On avait misé sur la répression ça ne marche pas »
L’ancien maire a invité Daniel Vaillant, avec qui il a travaillé à l’Assemblée Nationale, puisqu’en plus d’être ancien ministre de l’Intérieur, il a aussi été député. Son avis est tranché sur la question, de par son expérience.
« J’ai évolué sur la question en 2003, après mes années au ministère de l’Intérieur. On avait tout misé sur la répression [dans la lutte contre le cannabis] et ça ne marche pas. Je suis pour que les gens consomment moins et mieux. »
Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, si Daniel Vaillant est pour la légalisation, il est contre la consommation à proprement parler. En cause, les doses élevées en THC [substance psychotrope présente dans la résine de cannabis, NDLR] consommées à chaque joint par les jeunes.
Mettre en place une filière de l’État qui fabrique un cannabis moins fort, labelliser des tabacs à la vente de ces produits, les pistes de réflexion de l’ancien ministre sont toutes trouvées :
« Il faudra aussi financer, à travers les taxes, des campagnes de prévention à destination des jeunes. Et mettre des contraventions aux conduites à risque sous l’emprise de stupéfiant sur les chantiers et pour les conducteurs de bus »
La logique de Daniel Vaillant, c’est de comparer cela à l’alcool, qui est une drogue légale, et qui est donc peu victime du trafic.
« Je suis contre la consommation mais il faut la traiter comme l’alcool. »
Selon lui, il faut maîtriser la consommation, et ainsi la répression contre le trafic de drogue sera plus efficace.
Autoriser un test dans l’Orne ?
Débattre de la question, oui, c’est possible. Mais que l’Orne soit un lieu de test, c’est plus compliqué. « La faisabilité n’est pas évidente », explique Daniel Vaillant. Il faudrait en effet faire une entorse à la loi de 1970, relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie, et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses. Mais aussi qu’un texte soit voté pour permettre une dérogation, et qu’en prime le Département soit d’accord. Bref, pas simple !
Un groupe parlementaire y travaille
Néanmoins, à l’Assemblée Nationale, un groupe parlementaire travaille sur le sujet.
Par cette soirée, le but, pour Joaquim Pueyo est d’utiliser les réflexions qui émergeront si le groupe de travail met en place, à l’avenir, une proposition de loi :
« Je prendrai position, et je pourrai apporter ma pierre à l’édifice. »
Sécurité des mineurs, création d’emploi, taxation de la consommation, durcissement de la répression, tant de thèmes sont à mettre sur la table.
Et l’organisme de prévention, le CAARUD (centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques de l’usage de drogues), Drog’Aide 61 a aussi des pistes de réflexion. Ils ont appris la tenue de cet événement par voie de presse.
La structure est évidemment au fait des thèmes et questions qui jalonnent le débat puisque sa mission est d’accueillir et d’accompagner les consommateurs de produits stupéfiants. Où des personnes aident et échangent avec les publics consommateurs, comme Cécile Vadrot, éducatrice spécialisée dans la structure.
Elle anime notamment des stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de stupéfiants auprès de consommateurs mineurs et majeurs interpellés pour usage, possession de cannabis et conduite sous l’effet de cette drogue.
Ne pas faire comme aux USA
Cécile Vadrot est claire, si on légalise cette drogue en France, il faudrait légiférer de façon à éviter les dérives :
« Ce qui est à éviter, c’est la légalisation comme aux États-Unis où il y a un système capitaliste et une logique de chiffres d’affaires et d’augmentation de la production chaque année. »
S’il y a logique chiffrée et de profit, il y a forcément un risque d’augmentation de la consommation dans les États américains qui l’ont légalisé. A l’inverse du système présent en Uruguay, où le cannabis deviendrait une filière d’État :
Cela pourrait permettre d’avoir un regard et un contrôle de la qualité et de la teneur en THC. »
Cependant, si la substance est contrôlée et devient une filière d’État, que faire des « vendeurs » ?
Si la France légalise, elle doit penser aux personnes qui vivent de cela et à leur insertion. Car ils chercheront peut-être un autre moyen de subvenir à leurs besoins [comme le trafic d’armes ou la cocaïne, NDLR]. »
Un nouveau regard
Légaliser, c’est aussi un regard sur les consommateurs qui changera, car la façon dont on les désignera ne sera plus la même qu’aujourd’hui :
« Ce qui marque et contrarie vraiment les usagers d’aujourd’hui, c’est d’être considéré comme des délinquants. »
Autre point à encadrer et qui mérite réflexion : les mineurs. Car en Uruguay, si le pays a le monopole de la production, il y a tout de même un marché parallèle car les individus de moins de 18 ans n’ont pas droit à la consommation. Cécile Vadrot complète :
« Un système de légalisation nécessiterait de cadrer la vente et la vente et l’accès aux produits pour protéger les mineurs. »
Quelle différence entre la légalisation et la dépénalisation ?
La légalisation permet un cadre de loi complet « de l’usage à la vente » alors que si une dépénalisation entre en vigueur, la consommation sera tolérée mais la vente et la culture restera interdite.
█ Pratique : Si vous vous sentez concernés par ce débat, vous avez rendez-vous jeudi 3 octobre 2019 à 18h30 à La Halle aux Toiles d’Alençon.
Source : Actu.fr