Adoptée le 1er avril dernier – et ce n’est malheureusement pas une blague –, la loi dite “Narcotrafic” offre au gouvernement un cheval de Troie rêvé pour imposer une offensive autoritaire sans précédent. Derrière le paravent de la “lutte contre les gros trafiquants”, c’est l’ensemble des citoyens, et plus particulièrement les jeunes des quartiers populaires, qui se retrouvent dans le viseur d’un État de plus en plus prompt à confondre “ordre” et “répression” généralisée.
Le retour des quartiers d’exception
Bienvenue en 2025 : Robert Badinter doit se retourner dans sa tombe. Les “quartiers de haute sécurité”, abolis en 1982, font leur retour en fanfare. Isolement extrême, fouilles à nu systématiques, parloirs transformés en aquariums… L’univers carcéral devient laboratoire de torture blanche.
Et pour décider de qui mérite cet enfer ? Pas un juge. Non. Gérald Darmanin lui-même, en toute décontraction. Le ministre de l’Intérieur et de l’infantilisation de masse se voit désormais confier le pouvoir de priver un détenu de tout contact humain pendant deux longues années. Pourquoi s’encombrer de l’État de droit, après tout ?
Justice secrète et condamnations à l’aveugle
Mais ce n’est pas tout. La loi permet aussi aux juges de condamner sur la base d’un dossier secret, auquel ni l’accusé ni son avocat n’auront accès. Oui, vous avez bien lu : le retour du procès stalinien, version numérique.
Cette carte joker entre les mains des magistrats transforme les procès en farces judiciaires. Inutile d’avoir des preuves si on peut en inventer des invisibles.
Police infiltrée, provocations autorisées
En matière d’enquête, on franchit un cap : la police pourra désormais provoquer une infraction. Il suffit que l’acte ait “commencé” – autrement dit, que les forces de l’ordre jugent, à leur bon vouloir, qu’un délit est en train de naître pour pouvoir jouer les pyromanes déguisés en pompiers. Une sorte de “piège à cons” institutionnalisé.
Surveillance algorithmique de masse
Et pendant que les prisons se militarisent, les esprits, eux, se surveillent. La loi généralise le dispositif des “boîtes noires”, ces algorithmes capables de scruter l’intégralité de nos activités en ligne. Initialement prévus pour les terroristes, ils sont désormais activables pour toute “criminalité organisée” – catégorie si vaste qu’elle englobe aussi bien les cartels que le petit artisan du darknet.
C’est Big Brother sous stéroïdes, avec bonus espionnage à distance : activation de micro, de caméra, d’enceinte connectée sans que vous le sachiez. Votre salon devient cellule d’interrogatoire. Vos murs ont des oreilles, littéralement.
Répression à domicile pour les quartiers populaires
Mais l’innovation la plus perverse reste la punition sans jugement : un préfet peut désormais interdire à un jeune de fréquenter tel quartier ou tel immeuble s’il estime (sans preuve ni procès) qu’il y a “lien avec un trafic”. Il peut aussi forcer un bailleur à expulser un locataire sur simple soupçon. Pas besoin de verdict, juste un flair préfectoral.
Et si ça ne suffit pas, une nouvelle infraction d’apologie d’organisation criminelle permet de criminaliser toute parole de soutien aux révoltes sociales ou aux victimes des violences d’État. Une loi taillée sur-mesure pour museler les quartiers, mais aussi les militants, les journalistes, les défenseurs des droits.
Une guerre contre les libertés, sous couvert de guerre contre les drogues
Comme toujours, c’est la prohibition qui sert d’excuse à ces dérives sécuritaires. En prétendant cibler les “gros poissons”, le gouvernement élargit un arsenal liberticide à tous ceux qu’il juge suspects : jeunes, pauvres, militants, étrangers, usagers.
Pendant ce temps, les véritables responsables du chaos – ceux qui défendent mordicus une prohibition criminogène – restent au chaud dans leurs fauteuils parlementaires. Ils osent encore pointer du doigt les consommateurs comme responsables de la violence, alors qu’ils ne font qu’en subir les conséquences.
Résister à la dérive autoritaire
La loi Narcotrafic n’a rien d’une lutte contre le crime organisé. C’est un outil de contrôle social massif, une tentative de verrouiller l’espace public, la contestation, la vie privée. Un pas de plus vers une société de surveillance, où l’État n’a plus besoin de preuves, ni de procès, pour punir.
Il est temps de nommer les choses : cette loi est une atteinte grave aux droits fondamentaux, une honte pour celles et ceux qui l’ont votée, une menace pour tous les militants, pour tous les quartiers, pour tous les citoyens.
Une fois de plus, la lutte contre les « drogues » sert de prétexte à un durcissement autoritaire contre les prisonniers et la jeunesse des quartiers populaires, voué à s’étendre à l’ensemble de celles et ceux qui s’opposent au gouvernement et à ses attaques. Face à cette offensive sécuritaire, il est plus que jamais urgent d’exiger la dépénalisation de l’usage des drogues, la légalisation du cannabis, le droit à l’autoproduction, la reconnaissance des Cannabis Social Clubs et la création de cannabistrots : des revendications concrètes, humanistes et rationnelles, portées depuis des décennies par le CIRC.
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