Une institutrice et un cuisinier racontent les effets du confinement sur leur consommation et comment ils se débrouillent pour se procurer du cannabis.
Frontières fermées, trafic ralenti, confinement qui chamboule le quotidien: face aux conséquences du coronavirus, les usagers de drogues se débrouillent comme ils peuvent.
Quand le confinement a été annoncé mi-mars, cette consommatrice interrogée sous couvert d’anonymat ne s’est pas précipitée dans un point de deal comme tant d’autres franciliens. L’institutrice, qui fume quotidiennement, comptait sur son stock habituel de cannabis.
« Le stress, c’est de rien avoir »
Lors du ravitaillement début avril, mauvaise surprise : « C’était difficile de trouver et les prix avaient doublé ou triplé », raconte la quadragénaire. Par une commande groupée, elle et ses amis ont pu se faire livrer « 100 grammes de shit (résine de cannabis, ndlr) pour 620 euros, au lieu de 380 euros habituellement ».
Ecoeurée par cette inflation, l’enseignante envisage de « faire une pause ». Mais après 25 ans de fumette, « ce serait plus contraignant ». D’autant qu’avec le télétravail, elle a légèrement augmenté sa consommation, « comme en vacances ».
« Quand t’as ce qu’il te faut, si tu fumes pas tu t’en fous. Mais le stress, c’est de rien avoir », témoigne Eliott en Vendée.
Le trentenaire, qui « achète à 90% de la weed (herbe de cannabis, ndlr) locale », est serein. « La fermeture des frontières, ça me touche pas », jubile ce cuisinier, dont certaines connaissances commandent désormais sur le darknet. « Tout le monde dit que c’est la galère, mais il suffit de connaître les paysans du coin ».
Pénurie en vue ?
La production d’herbe en France n’est pourtant «pas suffisamment importante pour répondre à la demande nationale», observe Michel Gandilhon de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), dans un article de la revue spécialisée Swaps. Une pénurie est-elle possible ?
En tout cas, dans une France championne européenne de la consommation de cannabis, « certains fumeurs risquent de glisser vers ce qui est disponible, l’alcool et les anxiolytiques, qui ont un pouvoir addictogène plus fort », craint William Lowenstein, addictologue qui préside l’association SOS Addictions.
Le numéro vert Drogue Info Service enregistre 6% d’appels quotidiens supplémentaires sur la première quinzaine d’avril, par rapport à mars, selon Santé Publique France. Les écoutants, contactés surtout par des consommateurs de cannabis, voient poindre chez eux « un usage plus important de tabac et d’antidépresseurs », selon l’institution.
Source : leprogres.fr