Le sujet de la légalisation du cannabis continue de faire débat en Europe, et tout particulièrement en France. A l’issue d’un travail d’enquête et de réflexion, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté fin janvier 2023 un avis en faveur d’une légalisation encadrée des usages dits « récréatifs » du cannabis.
Depuis la mise en place d’interdictions fortes concernant la consommation des drogues en France en décembre 1970, il est difficile de faire entendre un débat contradictoire sur la place publique. Pourtant, un mouvement de réflexion et de remise en cause d’une politique de prohibition se fait jour progressivement. Le dernier avis rendu sur la question par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en témoigne.
Avec les phases d’expérimentation organisées autour de l’usage médical du cannabis, alors même que la lutte contre le trafic montre ses limites, il est sans doute temps d’avancer sur un sujet qui reste encore hautement clivant en France. Pourtant, déjà en 2006, dans un ouvrage éclairant, Sophie Massin, professeur spécialiste de l’économie de la santé, des addictions et des politiques portant sur les drogues, avait publié chez L’Harmattan La Dépénalisation du cannabis.
Dans ce livre (16 euros, 166 pages), elle faisait une synthèse des enjeux entourant la question de la dépénalisation. Passant en revue les caractéristiques microéconomiques de la consommation de cannabis, ainsi que ce qu’on entent précisément par dépénalisation, Sophie Massin proposait d’adopter un point de vue rationnel sur ce débat.
Avec le développement d’Internet, et des législations qui commencent fortement à diverger sur le cannabis à travers l’Europe, il devient très facile de se procurer des graines, ou même du matériel favorisant la culture. Des sites ayant pignon sur rue en Espagne, comme Pevgrow, assurent la livraison. Mais, c’est aux risques et périls des acheteurs qui tombent sous le coup de la loi française en la matière.
Pour prolonger la réflexion, Renaud Colson, maître de conférences à l’université de Nantes, et Henri Bergeron, directeur de recherche au CNRS ont publié, dans la collection « ça fait débat » des éditions First Faut-il légaliser le cannabis ? (128 pages, 2021, 8,95 €). Avec cet ouvrage, ces deux spécialistes font le point sur la situation en France. A l’appui d’analyses chiffrées et comparatives, ils interrogent l’évolution de la consommation face à une dépénalisation. L’étude des expériences menées par plusieurs pays en matière de fin de la prohibition, permet d’y voir un peu plus clair, entre fantasme et réalité.
Le sujet est dans les tuyaux législatifs en France, mais pas encore dans l’actualité brûlante. En 2022, la sénatrice Catherine Conconne a fait une demande concernant la consommation du cannabis à usage récréatif à la Division de la Législation comparée du Sénat, qui a constitué une actualisation de son dernier travail en la matière, qui remontait à 2013.
On retrouve ainsi une synthèse des dernières évolutions législatives à travers le monde sur cette question. Et comme les Etats ont une forte tendance à être très moutonniers dans leurs prises de décision, il y a fort à parier qu’une tendance de fond se dessine et vienne, à plus ou moins brève échéance, s’imposer en France.
A chaque pays, son cadre législatif. Et faire pousser des graines féminisées ne portera pas aux mêmes conséquences que l’on habite au Portugal, en Suisse ou en Allemagne et en Angleterre. Mais, quand on veut faire le point sur l’histoire de la consommation du cannabis, rien de tel que l’ouvrage de Bruno Blum. Cet ancien fumeur avait publié en 2013 Shit ! Tout sur le cannabis (309 pages, First éditions, 16,95 €). Passant en revue les liens qui unissent cette plante avec de nombreuses civilisations à travers les époques, l’auteur évoque également la question de l’usage médical de cette substance, un sujet qui continue de faire couler beaucoup d’encre aujourd’hui.
Quand on pense que 45 % des 15-64 ans ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie en France, une réflexion s’impose. En effet, ce chiffre tombe à 27 % pour l’ensemble de l’UE. C’est dire l’importance de cette question dans l’Hexagone. Trouver la solution idéale n’est pas simple, car il faut jongler entre l’augmentation des risques encourus avec la banalisation de l’usage, et les effets délétères actuels de la prohibition.
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