Droit de réponse du CIRC
Encore une fois, les usager(e)s de drogues sont désignés comme les boucs émissaires idéaux dans un article signé par Riss, directeur de rédaction de Charlie Hebdo, truffé de raccourcis paresseux et de clichés éculés sur les réalités du trafic et de la consommation en France.
Nous avons longtemps hésité avant de répondre à ce morceau de littérature nauséabonde signé par le directeur de rédaction de Charlie Hebdo, torchon autrefois subversif mais désormais devenu une machine à reproduire les pires poncifs réac. Oui, ce même Charlie post-attentat (et même avant, sous Philippe Val) qui a nettoyé France Inter de ses trublions rouges, avant de virer à droite toute. Méritaient-ils un droit de réponse ? Nous avons eu un doute. Ça pourrait presque cautionner leur prose acide et mal informée. Mais les usager(e)s de drogues, une nouvelle fois stigmatisé(e)s sans nuance, méritent d’être défendu(e)s face à cette diatribe paresseuse. Et, curieusement, pas une seule fois Riss ne mentionne le mot « prohibition ». Peut-être ignore-t-il l’existence de ce terme, pourtant central dans tout débat sérieux sur les politiques des drogues ? Ou préfère-t-il l’éviter, de peur que ses lecteurs ne commencent à comprendre les véritables causes des problèmes qu’il dénonce si mal. Quoi qu’il en soit, il est grand temps de corriger cette vision biaisée.
Les consommateurs ne sont pas les criminels que l’on caricature
Dans son pamphlet, Riss déclare que « les drogués font chier le monde », réduisant des millions de citoyen(ne)s à de simples perturbateurs sociaux, responsables de tous les maux associés à la drogue. Cette simplification grotesque ignore que les consommateurs sont souvent les premières victimes d’un système répressif qui, sous prétexte de protection, alimente les profits mafieux et plonge des millions de citoyens dans l’insécurité juridique et sanitaire. Blâmer les usager(e)s pour la violence du trafic revient à ignorer l’évidence : la prohibition elle-même est le principal carburant des réseaux criminels.
Le mythe de l’usage récréatif comme camouflage de la violence
Riss accuse également les défenseurs de la légalisation d’avoir inventé le concept de « drogue récréative » comme une « pirouette » pour masquer les conséquences de la consommation. Ce genre de sophisme est non seulement malhonnête, mais aussi révélateur d’une ignorance profonde des réalités des politiques des drogues. L’usage récréatif, loin d’être une simple invention marketing, est une réalité culturelle et historique que même les législations les plus répressives n’ont jamais réussi à éradiquer. Refuser de le reconnaître, c’est nier l’existence de millions de consommateurs responsables.
La prohibition : racine des violences que l’on déplore
Riss évoque les « truands » comme s’ils étaient une fatalité, oubliant commodément que ces mêmes criminels sont le produit direct des politiques prohibitionnistes. Le trafic n’est pas une conséquence inévitable de la consommation, mais bien de la répression elle-même. Là où la vente est légale et régulée, les mafias perdent du terrain, les quartiers se stabilisent et la violence recule. La répression n’a pas réduit la consommation ; elle l’a simplement reléguée dans les mains des mafias. Les consommateurs, loin d’être les complices des truands, sont les otages d’une politique obsolète et contre-productive.
Le coût social réel : la prohibition, pas les consommateurs
Les auteurs de ce type d’article oublient commodément que les vrais coûts sociaux de la drogue ne viennent pas de la consommation en elle-même, mais des conséquences de la prohibition : criminalisation des usager(e)s, surpopulation carcérale, rupture sociale et marginalisation. La légalisation, au contraire, permettrait de réduire ces dommages en réorientant les ressources vers la prévention, la réduction des risques et les soins. Ce sont les États qui choisissent de criminaliser leurs citoyens, et non les consommateurs qui choisissent d’entretenir les mafias.
Pour un débat informé et une politique des drogues rationnelle
Nous exigeons donc un vrai débat, loin des caricatures et des fantasmes, pour sortir enfin de ce cercle vicieux et construire une politique des drogues fondée sur les faits, le respect des libertés individuelles et la protection de la santé publique. Nous refusons de voir les usager(e)s de drogues constamment stigmatisé(e)s et désigné(e)s comme les responsables des maux que la prohibition elle-même engendre.
Nous invitons les éditorialistes à cesser de tirer à vue sur les usager(e)s sans prendre le temps de comprendre les réalités de leur quotidien et les enjeux de cette question complexe. Pour cela, qu’ils prennent le temps de s’informer auprès des véritables spécialistes de la question, comme le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC), qui se bat depuis des décennies pour une politique des drogues rationnelle, humaine et respectueuse des libertés individuelles.
Nous invitons tous ceux qui refusent ces raccourcis simplistes à nous rejoindre pour déconstruire ces mythes et ouvrir une nouvelle ère de justice sociale et de pragmatisme politique.
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Voir l’article biaisé sur le site de Charlie Hebdo (réservé aux abonnés)