jeudi 13 février 2020
Près de 18 mois après la légalisation, le bilan est désastreux pour les entreprises du secteur, concurrencées par le marché noir.
Par Hirtzmann, Ludovic
CONSOMMATION Les espoirs des entreprises du secteur du cannabis partent en fumée. Après une année 2019 décevante, les géants de la marijuana canadienne accumulent les mauvaises nouvelles depuis le début du mois. Aurora Cannabis a annoncé en fin de semaine le licenciement de 500 employés sur 1 600. Un autre producteur, Tilray, a fait part de sa volonté de se séparer de 10 % de ses effectifs début février. Plusieurs autres sociétés ont procédé à des suppressions de postes ces dernières semaines.
Presque un an et demi après la légalisation du « pot » comme les Québécois appellent le cannabis, le marché s’effondre. Depuis la légalisation de la marijuana le 17 octobre 2018, l’indice boursier du secteur, le Canadian Marijuana Index, s’est écroulé de 781 points à 178 points le 12 février. D’une capitalisation boursière de 4,9 milliards de dollars canadiens (3,3 milliards d’euros) au jour de la légalisation, le producteur de cannabis Aphria ne vaut plus aujourd’hui que 1,1 milliard (750 millions d’euros). L’action de Canopy Growth, la principale firme du secteur, est passée dans le même temps de 69 à 19 dollars. Rien ne va plus.
Tout avait pourtant commencé sur les chapeaux de roue, du moins dans les prévisions. Dans un rapport détaillé intitulé « Légalisation du cannabis : considérations financières » , publié en novembre 2016, le rapporteur parlementaire du budget d’alors, Jean-Denis Fréchette, avait estimé que les dépenses totales des consommateurs de cannabis s’élèveraient entre 4,2 milliards et 6,2 milliards de dollars (2,9 à 4,2 milliards d’euros), lors de la première année de la légalisation. Le 17 octobre 2018, les producteurs de marijuana se sont même offert une pleine page de publicité dans la presse écrite titrée Un grand jour et un futur radieux .
Le gramme deux fois moins cher dans la rue
Rien ne s’est passé comme prévu. Selon l’institut national Statistique Canada , les ventes en ligne et en magasin ont atteint 908 millions de dollars (625 millions d’euros) pour la première année de légalisation. Bien loin des prévisions. Les sociétés du secteur ne réalisent pas de profits. D’une part, parce que le marché a été surestimé, mais aussi parce que le puissant marché noir, loin de disparaître avec la légalisation, a su s’adapter.
Au Québec, dans la rue, les revendeurs de « pot » proposent leurs produits à 5,70 dollars le gramme (3,90 euros), contre 10 dollars (6,90 euros) dans les succursales de la Société québécoise du cannabis. « Il y avait tellement de battage médiatique autour de cette industrie . Les entreprises elles-mêmes voulaient faire mousser la taille de l’industrie et la taille des revenus pour attirer les investisseurs, ce qui a conduit à une croissance démesurée et peut-être injustifiée » , analyse, dans l’hebdomadaire Les Affaires, le sociologue Akwasi Owusu-Bempah, professeur à l’Université de Toronto , qui prévoit des faillites en série .
Les malheurs ne font que débuter. Au moins neuf cabinets d’avocats des États-Unis ont déposé des recours collectifs ( class action ) contre plusieurs producteurs de marijuana canadiens. Les juristes américains estiment que ces derniers, en gonflant publiquement le potentiel de leurs ventes, ont fait perdre de l’argent à leurs clients investisseurs.
Source : lefigaro.fr