La bêtise n’a pas de limite, et Gérald Darmanin semble déterminé à le prouver une fois de plus. Annoncer, comme il vient de le faire, la construction d’une prison ultrasécurisée en pleine jungle amazonienne pour y enfermer les « narcotrafiquants », c’est toucher le fond de l’absurde, en creusant encore.
Une folie à 400 millions d’euros
400 millions d’euros pour bâtir une forteresse au milieu de l’un des derniers poumons verts de la planète, à Saint-Laurent-du-Maroni, un site emblématique de la souffrance humaine, ancienne plaque tournante des bagnes coloniaux. C’est un désastre écologique et un scandale politique qui rappelle la mentalité carcérale du siècle dernier. Comme si la guerre contre les drogues pouvait encore être gagnée à coups de barreaux et de béton, comme si l’isolement physique pouvait briser des réseaux ancrés dans le numérique et l’international.
Déboiser des dizaines d’hectares de précieuse forêt tropicale, menacer des centaines d’espèces et détruire des écosystèmes fragiles, tout ça pour « neutraliser » 500 détenus à 300 kilomètres de Cayenne, à l’abri des réseaux téléphoniques et des pressions extérieures. Quelle arrogance ! Quelle ignorance ! La France n’a donc rien appris de son histoire pénitentiaire en Guyane ? Ce projet pue la nostalgie des bagnes, cette époque sinistre où l’État pensait que l’enfermement brutal et l’isolement suffisaient à mater les rebelles et les hors-la-loi.
Un désastre écologique en préparation
Installer une prison au cœur de l’Amazonie, c’est non seulement ruiner des écosystèmes parmi les plus riches et fragiles de la planète, mais aussi déclencher un effet domino dévastateur. Les routes à construire, les pistes pour hélicoptères, les infrastructures pour sécuriser cette forteresse isolée, tout cela va profondément défigurer un territoire déjà menacé par l’orpaillage illégal et l’exploitation forestière sauvage. Détruire un joyau écologique pour enfermer quelques centaines de détenus : c’est l’apogée de la bêtise sécuritaire.
Un mirage sécuritaire
Cette prison de dernière génération, avec ses règles ultra-strictes — isolement total, surveillance électronique constante, fouilles régulières — est un symbole de la « guerre » choisie par Darmanin contre les drogues. Pourtant, cette approche sécuritaire radicale pose plusieurs questions majeures :
Le trafic de stupéfiants ne se réduit pas aux « têtes de réseau » enfermées dans une prison d’isolement. Derrière ces figures souvent médiatisées, il y a des réseaux complexes, des relais locaux, des facteurs socio-économiques et des réalités humaines profondément ancrées dans la précarité et l’abandon des territoires.
La prison comme réponse unique à un problème de société est une impasse connue. L’expérience française, comme celle d’autres pays, montre que l’incarcération massive et isolée n’a jamais fait reculer durablement ni la criminalité organisée ni la consommation.
Plus de prison, moins de crimes ? Faux, selon Geoffroy de Lagasnerie, qui estime que la répression ne fonctionne pas comme on le croit. Pour le philosophe, il est temps d’en finir avec l’illusion du punitivisme
La politique carcérale : entre illusion et aggravation
Alors que la Guyane connaît une surpopulation carcérale dramatique, ce projet s’inscrit dans une politique générale d’extension du parc pénitentiaire, par la construction rapide de prisons modulaires. Cette fuite en avant sécuritaire, malgré les promesses non tenues de places et d’amélioration des conditions de détention, ne s’attaque pas aux causes profondes : pauvreté, manque d’accès aux soins, dysfonctionnements sociaux, et surtout l’interdiction du cannabis, dont le marché noir nourrit le trafic de stupéfiants.
Une guerre inégale, où les vrais coupables sont ailleurs
Le ministre Darmanin revendique une « guerre » contre le « narcotrafic » mais c’est une guerre asymétrique : d’un côté, l’État met en avant la force brute, la surveillance et l’isolement ; de l’autre, les réseaux s’adaptent, se professionnalisent et exploitent des territoires abandonnés, des populations vulnérables, des institutions en difficulté.
Cette prison symbolique, à la lisière du bagne historique, ne saurait être un « verrou » suffisant face à un problème systémique. Elle masque une impuissance profonde à réformer la justice, à déployer les moyens sociaux et à changer une politique des drogues archaïque, fondée sur l’interdiction.
Un projet aussi inefficace que coûteux
400 millions d’euros, plus une catastrophe écologique, pour quoi ? Pour perpétuer un système carcéral coûteux et inefficace, pour nourrir l’illusion d’une guerre contre la drogue qui ne fait qu’alimenter la violence et renforcer les réseaux criminels. Comme l’a dit l’ancien président uruguayen José Pepe Mujica : « La lutte contre le trafic de drogues ne se gagne pas avec des balles. Elle se gagne en leur prenant leur marché. » Mais visiblement, ce message n’a pas encore traversé les murs du ministère de la Justice.
Répéter l’erreur à l’infini : la définition de la folie
Comme le disait Albert Einstein, « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Cette prison en Amazonie n’est qu’un nouvel épisode de cette folie institutionnalisée. Répéter les mêmes erreurs en espérant des résultats différents, c’est exactement ce que Darmanin nous propose ici.
La France, par son ministre « inutile » Gérald Darmanin, place le niveau de la folie tellement haut que même les amendes offaltives de l’île de Malte paraissent ridicules en comparaison. On touche le fond. Et on creuse encore…et encore.
Appel à la résistance
Espérons que les associations environnementales feront le nécessaire pour que ce projet insensé ne voie jamais le jour. Nous ne pouvons pas laisser cette folie s’abattre sur l’une des dernières forêts primaires du monde, sacrifiée sur l’autel d’une politique carcérale aussi archaïque qu’inefficace.
Le CIRC rappelle : la dépénalisation, seule issue réaliste
En tant que Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC), nous ne pouvons que dénoncer cette politique répressive qui met des millions dans la bétonisation et l’enfermement, alors qu’elle alimente la machine à produire des délinquants et des exclus.
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Le trafic de stupéfiants prospère en grande partie grâce à la prohibition du cannabis, qui maintient un marché noir lucratif et violent.
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La criminalisation des consommateurs et petits producteurs ne fait qu’engraisser les mafias, tandis que l’État dépense des milliards à tenter de les combattre par la répression.
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La construction de prisons ultramodernes en Guyane ne changera rien au flux constant de drogues et de personnes, ni à la misère sociale à l’origine de ces trafics.
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Seule une légalisation encadrée, pragmatique et respectueuse des libertés individuelles, couplée à une politique de santé publique ambitieuse, permettra de fragiliser ces réseaux criminels.
En conclusion
La prison de Guyane illustre la triste continuité d’une stratégie punitive dépassée, coûteuse, inefficace, et souvent contre-productive. Le CIRC appelle à un changement radical : sortir de la guerre contre les consommateurs, reconnaître la complexité des phénomènes liés aux drogues, et engager une politique de légalisation responsable et pragmatique.
Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra enfin réduire la violence, restaurer la justice, et donner un avenir digne à ces territoires abandonnés.
Le CIRC dénonce fermement cette régression politique et écologique. Assez de ces logiques sécuritaires qui ravagent notre planète et broient des vies humaines ! Même l’ONU reconnaît aujourd’hui l’échec patent de cette guerre aux drogues, appelant à aborder les politiques de drogues sous l’angle des droits humains. Il est grand temps de sortir du délire carcéral et de construire des alternatives intelligentes, humaines et efficaces à cette guerre contre la drogue totalement anachronique.
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