L’Américain avait remporté le Tour de France en 2006 avant d’être contrôlé positif. Floyd Landis s’est depuis lancé dans le commerce légal du cannabis dans le Colorado et a fait la paix avec un passé douloureux de coureur.
La ville nichée à plus de 3000 mètres d’altitude est réputée pour être la plus haute des États-Unis. C’est ici à Leadville, un petit bourg de 2000 âmes dans le Colorado à deux heures de Denver, que Floyd Landis a construit sa nouvelle vie.
A la tête de « Floyd’s of Leadville », l’ancien vainqueur déchu pour dopage du Tour de France 2006 s’est reconverti dans une activité interdite en France mais totalement légale dans son État et une partie de l’Amérique : la vente de cannabis et ses produits dérivés. « Je vous vois venir, rigole l’ancien maillot jaune au téléphone. Vous allez me dire : après la dope, Floyd s’est lancé dans la drogue. Il n’en sortira décidément pas… »
Du cannabis en cartouches, lotions, patchs
La réalité, comme son histoire, est plus complexe. « Après 2006, je suis tombé bas, très, très bas. J’ai sombré dans une grande souffrance. J’ai pris plein de saloperies que le cannabis a remplacées. La marijuana m’a permis de dormir. »
Aujourd’hui, il en vend, sans se cacher aux yeux de la loi. L’ancien coureur de la Phonak, à la tête de plusieurs magasins aux États-Unis, propose du cannabis en cartouches, lotions, patchs sous le logo d’une entreprise qui rappelle le maillot arc-en-ciel du champion du monde, une course que l’Américain n’a jamais gagnée. Coureur professionnel de 1999 à 2006, il est pourtant monté sur le toit du monde.
Roses are red?? ?
Gems are sweet?
Buy 1lb of Protein or Hydration ?
And enjoy a free 5ct CBD treat ?
Happy Vday to all the CBD lovers out there ???
*Hurry, sale ends midnight 2/14 pic.twitter.com/8diaYYr8xX
— Floyd (@FloydLeadville) February 14, 2020
Le 23 juillet 2006, Floyd Landis est le roi du monde. A 31 ans, l’ancien lieutenant de Lance Armstrong arrive en jaune sur les Champs-Élysées. En l’absence du chef, parti pour une première retraite, il rayonne. Trois jours plus tôt, son incroyable numéro sur les pentes menant vers Morzine a frappé les esprits. Le bonhomme est fort, très fort.
Bizarrement fort même : à l’arrivée de cette 17e étape, l’Américain, né dans une communauté mennonite très rigoureuse (mouvement chrétien anabaptiste), est contrôlé positif à la testostérone. Six jours après le triomphe sur les Champs-Élysées, sa victoire lui est retirée au bénéfice de l’Espagnol Oscar Pereiro. Floyd Landis n’apparaît plus sur aucun palmarès de la Grande Boucle.
« C’est une histoire très étrange que la mienne, nous confie l’ancien coureur. Je l’ai longtemps refoulée au plus profond de moi. En parler m’était impossible. Désormais, je peux évoquer cette période de ma vie, elle fait partie de moi, je ne peux la renier. »
Avant de franchir ce col hors catégorie, Landis a sombré dans une dépression sans fin abusant de l’alcool et des médicaments. Rarement un champion est monté si haut pour descendre si bas aussi brutalement, même si c’est par sa faute. « Je continue de penser que le cyclisme est un sport merveilleux dit-il. Pendant plus de 10 ans, il m’a pourtant été impossible d’approcher un vélo. C’était presque un objet maudit. Désormais, je reprends plaisir à rouler seul. Mais mon esprit continue de batailler entre deux sentiments : les grands plaisirs que m’a procuré ce sport et les grandes souffrances qu’il m’a apporté. »
Il a monté une équipe cycliste
Comme les autres, Floyd Landis a mis longtemps à avouer sa faute avant de tout reconnaître devant la justice. « J’ai pris des décisions… souffle-t-il avant de marquer un arrêt. Quand je regarde en arrière, j’ai parfois un sentiment de honte et je sais que je ne prendrais pas les mêmes. Mais il est trop tard, hélas pour réécrire ce livre. C’est le mien et il est ainsi. »
De sa carrière, l’ancien champion n’a rien gardé. Il a tout donné : ses vélos comme ses maillots. Dans son armoire, il ne lui reste que trois paletots jaunes en bas d’une pile de chemises. Ce ne sont même pas les siens : ils lui ont été offerts par Lance Armstrong qui avait écrit « Thank You » dessus. C’est à l’époque où les deux hommes étaient complices. « Un film « The Program » de Stephen Frears raconte cette incroyable et ô combien compliquée relation entre nous, glisse Floyd Landis. Que puis-je en dire ? C’est un bon film de divertissement mais il ne faut pas y voir plus. C’est compliqué de résumer une vie en 90 minutes sur un écran. »
Désormais, Armstrong et Landis se détestent et n’ont plus aucun rapport sinon par tribunaux interposés. D’ailleurs, avec l’argent du procès récolté après la plainte contre son ancien leader (Landis avait récolté 1,1 million sur les 5 millions versés par Armstrong pour éviter un procès), Floyd Landis a monté… une équipe cycliste professionnelle, la « Floyd’s of Leadville Pro Cycling Team » qui a disparu du peloton fin 2019, faute de moyens : « Cela va peut-être vous paraître dingue mais j’aime partager ma passion avec des jeunes coureurs. Pendant toute la durée de cette aventure avec mon équipe qui a gagné pas mal de courses en Amérique, mon discours auprès des jeunes coureurs a été simple : soyez patients, c’est un sport dur mais si vous travaillez bien, la récompense vient toujours au bout. »
Il est revenu sur le Tour, anonymement
Ces deux années, l’ancien paria a fait la paix avec le cyclisme : « Pendant des années, il m’était impossible de regarder une course à la télé, c’était trop douloureux. Maintenant, je peux. Je regarde même le Tour de France en y trouvant du plaisir. » Landis est même revenu physiquement sur la course, de manière anonyme : « Oui, c’est vrai. Il y a trois-quatre ans, j’étais dans la foule pour la dernière étape à Paris. J’étais un fan comme les autres. Je ne crois pas qu’on m’y a reconnu. Ce fut un moment très agréable. » Le souvenir de son triomphe une dizaine d’année plus tôt lui a traversé l’esprit, même furtivement.
« La France m’a offert les plus beaux et les pires moments de ma vie, relate-t-il. Mais comment lui en vouloir : je suis responsable de ce qui m’est arrivé. J’aime vraiment votre pays qui m’a surtout donné la plus belle chose au monde : mon épouse Alexandra qui est Française. Et j’espère enfin que les Français me pardonnent d’avoir fait souffrir leur Tour de France. J’espère que 14 ans plus tard, ils ne m’en veulent plus. »
Source : leparisien.fr