Vendredi 21 mai 2021
Caroline Garnier
Début décembre, Isabelle, maman d’une adolescente de 18ans, consommatrice de cannabidiol de synthèse, c’est-à-dire mélangé avec d’autres substances, tombée accro en moins de cinq inhalations, lançait un cri d’alarme dans nos colonnes (L’union du 8 décembre) afin de prévenir sur les dangers et la toxicité des mélanges introduits dans certaines fioles de cannabidiol (CBD), vendues sur internet mais également aux portes des collèges et lycées rémois. « C’est un drive devant le lycée de ma fille », affirmait la Rémoise, qui rien qu’en 2020 avait été appelée une dizaine de fois par l’infirmière de l’établissement pour venir récupérer sa fille qui avait «encore consommé».
Prise de nausées et même de malaises, transportée aux urgences, la jeune fille était tout simplement incapable de suivre les cours. De nombreux signalements en milieu scolaire pour des cas de malaises à la suite de vapotage ont été mis en évidence à Reims Son cri d’alarme n’était pas resté vain puisque dans la foulée, une autre maman, Pascale, dont le fils de 16ans, addict depuis l’âge de 12ans, lançait le collectif Parent « Ado et accro », un forum de discussions «afin d’informer, de prévenir les parents sur les méfaits du CBD trafiqué vendu sous forme de e-liquide pour les cigarettes électroniques aux abords d’établissements scolaires».
Ils sont désormais plus d’une cinquantaine à s’y retrouver. D’inconnu, le phénomène était alors mis sur le devant de la scène, à la grande satisfaction de Francis Grossenbacher, toxicologue clinicien au CHU de Reims, qui avec son équipe travaillait depuis 2018 sur ce «nouveau phénomène», confirmant par la même occasion qu’un « cluster d’utilisateurs de CBD et cannabis de synthèse » avait été identifié à Reims (L’union du 9 décembre). Le toxicologue faisait même état d’une première vague dès 2018, de 19patients âgés de 15 à 20ans admis aux urgences du CHU de Reims, à la suite de l’utilisation d’une e-cigarette supposée contenir du cannabidiol.
Leur étude (Vapotox) était finalement dévoilée au grand jour. Loin d’être marginal, le phénomène inquiète et intéresse désormais au-delà de la sphère du groupe de travail CBD du CHU de Reims. «Dès février, nous avons intégré à notre groupe de travail les praticiens des urgences pédiatriques, les pédiatres hospitaliers et libéraux, les médecins généralistes, tous les acteurs de la prévention et de la maltraitance. On s’est même fiancé avec l’Éducation nationale et la justice. Un substitut du procureur de la République de Reims suit le dossier avec nous. De même que la gendarmerie, la police nationale et la Ville de Reims. Aujourd’hui, tout le monde voit le problème en grande dimension… et cerise sur le gâteau, ce vendredi, le problème va être évoqué lors du congrès national de la pédiatrie de la Société française de la pédiatrie à Marseille. C’est la première fois que nous sommes acceptés à un congrès de pédiatrie pour évoquer le problème du CBD et du vapotage chez l’adolescent… »
Pour moi, le THC, c’est de la drogue dure
Et de rappeler que «de nombreux signalements en milieu scolaire pour des cas de malaises à la suite de vapotage de produits étiquetés CBD (cannabidiol) ont été mis en évidence à Reims et alentours, avec une augmentation du nombre de consultations aux urgences pédiatriques pour ce motif depuis 2018. La cigarette électronique, dont le e-liquide est composé de propylène glycol/glycérine végétale (PG/VG) permet l’administration discrète de nicotine, arômes de fruits et/ou substances psychoactives (CBD, THC…) dont les effets peuvent être parfois sévères… Pour moi, le THC, c’est de la drogue dure. La légalisation du cannabis, j’y suis totalement opposé. Il faut rappeler que le cannabis, c’est une plante qui avait 5% de THC en 1980… et aujourd’hui on est entre 15 et 20% de THC. C’est une plante génétiquement modifiée… dont on ne connaît pas véritablement tous les effets notamment sur les adolescents. À Reims, en 2003, nous avons eu un cas d’infarctus du myocarde et atteintes cérébrales chez des gens jeunes… On ne connaît même pas le taux de décroissance de THC dans l’organisme… Nous, en temps que toxicologues, on ne comprend pas trop certaines positions. On aimerait être écoutés.» Ce sera enfin le cas lors de ce congrès national.
Source : Lunion.fr