Un débat polémique mais nécessaire
La question des drogues et de la sécurité routière est souvent présentée de manière simpliste et alarmiste, associant systématiquement consommation de substances et dangerosité au volant. Cependant, cette vision caricaturale ne rend pas justice à la complexité du sujet et tend à stigmatiser les usagers sans réelle considération pour les données scientifiques. Le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC) entend rétablir une analyse plus équilibrée et fondée sur les faits, afin de déconstruire certains préjugés largement répandus et d’encourager des politiques publiques plus justes et efficaces.
L’alcool : le principal facteur de risque routier
Les statistiques routières confirment depuis longtemps que l’alcool reste de loin la substance la plus dangereuse au volant. Par exemple, une étude publiée en avril 2025 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) Network Open a analysé les données de plus de 8 300 conducteurs impliqués dans des accidents au Canada. Les résultats montrent que l’alcool est la substance contrôlée la plus fréquemment détectée et « reste la plus grande menace pour la sécurité routière » (1). Les conducteurs testés positifs à l’alcool présentent des risques d’accidents beaucoup plus élevés que ceux sous l’influence du cannabis, avec des comportements typiquement plus agressifs et moins coordonnés.
Cette même étude a révélé que les conducteurs traités pour des blessures liées à des accidents de la route sont plus de trois fois plus susceptibles d’avoir des niveaux élevés d’alcool dans le sang (≥ 0,08 %) que des niveaux élevés de THC (≥ 5 ng/mL) (2). En effet, une consommation modérée à élevée d’alcool entraîne des effets sévères sur les réflexes, la coordination et la prise de décision, augmentant considérablement le risque d’accidents graves.
Cannabis et conduite : une réalité plus nuancée
Contrairement aux idées reçues, le cannabis n’a pas le même impact immédiat et sévère sur les capacités de conduite que l’alcool. Par exemple, l’étude de la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) de 2015 a montré que, une fois les variables comme l’âge et le sexe contrôlées, les conducteurs testés positifs au THC n’ont pas un risque significativement plus élevé d’accidents que ceux n’ayant consommé aucune substance (3). De plus, cette même étude de JAMA Network Open a observé que la plupart des conducteurs testés positifs au THC avaient des niveaux nominaux, probablement liés à des consommations antérieures, compte tenu de la persistance du THC dans le sang des consommateurs réguliers. Seuls 3 % des participants avaient des niveaux de THC suffisamment élevés pour potentiellement altérer leurs capacités de conduite (≥ 5 ng/mL) (4).
Les études en simulateur de conduite montrent également que les usagers du cannabis tendent à compenser ces effets en adoptant des comportements plus prudents, comme une réduction de la vitesse moyenne et une augmentation des distances de sécurité, contrairement à l’alcool qui pousse généralement à une conduite plus risquée (5). Toutefois, il est important de noter que le cannabis peut affecter certaines compétences psychomotrices, comme le temps de réaction et le maintien de la trajectoire.
Effets combinés et facteurs de confusion
Les risques augmentent de manière significative lorsque l’alcool et le cannabis sont consommés ensemble. Une étude menée par la NHTSA a confirmé que les conducteurs testés positifs à la fois au THC et à l’alcool ont des probabilités beaucoup plus élevées d’être impliqués dans un accident que ceux testés positifs à l’une ou l’autre substance seule (6). Cette combinaison aggrave les déficits cognitifs et psychomoteurs, créant une synergie dangereuse pour la sécurité routière.
Vers une politique de sécurité routière plus juste et scientifique
Les discours simplistes qui stigmatisent tous les consommateurs de cannabis comme des dangers potentiels sur la route sont non seulement inexacts, mais aussi contre-productifs. Ils détournent l’attention des véritables priorités en matière de sécurité routière, à savoir la lutte contre l’alcool au volant et les comportements réellement dangereux. Le CIRC milite pour des politiques fondées sur des données probantes, sans discrimination, et encourage une réforme des approches répressives en matière de sécurité routière.
Le CIRC défend également l’idée de mettre en place des tests comportementaux, inspirés des pratiques déjà adoptées dans certains pays, combinés à des tests chimiques (salivaires ou sanguins). Cette approche permettrait de ne punir que les conducteurs réellement sous influence, en prenant en compte le phénomène d’accoutumance et en évitant de criminaliser des conducteurs ayant des traces résiduelles de THC sans pour autant être sous l’effet du cannabis au moment du contrôle.
Conclusion : la nécessité d’un débat éclairé
Il est temps de sortir des caricatures et de reconnaître que tous les usagers de substances ne représentent pas les mêmes risques pour la sécurité routière. La science doit primer sur les préjugés et les considérations politiques, pour bâtir un cadre législatif plus juste et mieux adapté à la réalité des comportements humains.
Références :
- JAMA Network Open, avril 2025, Vancouver, Canada.
- JAMA Network Open, avril 2025, Vancouver, Canada.
- National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), 2015.
- JAMA Network Open, avril 2025, Vancouver, Canada.
- Études en simulateur de conduite, diverses sources.
- National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), 2015.
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