Dans un contexte marqué par les débats autour de la mobilisation des forces de l’ordre contre le trafic de drogue, une proposition de loi transpartisane est venue, le 25 mai dernier, relancer le débat sur le sujet en prônant sa légalisation et sa commercialisation sous contrôle des pouvoirs publics. Dans ce cadre, de quel côté penchent les Français sur cette question de la réglementation de l’usage du cannabis et sur l’efficacité de la répression menée par les autorités depuis des années ? Une étude de l’Ifop pour CBD-grams.com apporte des données récentes.
I – Les chiffres clés
Pour la première fois, une majorité de Français soutient la dépénalisation du cannabis
51 % des Français s’y montrent favorables, soit un taux d’adhésion en hausse de 8 points par rapport à la dernière mesure de l’Ifop (43 % en 2017) et qui s’avère aujourd’hui deux fois supérieur à la première étude menée il y a une quarantaine d’années sur le sujet (27 % en 1977). Malgré l’opposition ferme du président à cette idée, il est intéressant de noter que les électeurs macronistes y sont, eux, majoritairement favorables (à 54 %). Plus encore, les sympathisants de gauche y sont massivement favorables, en particulier les potentiels électeurs de Jean-Luc Mélenchon (75 %) et de Yannick Jadot (77 %).
C’est même plutôt à une véritable légalisation qu’aspirent les Français
Dans une question reprenant les mêmes termes que dans une récente consultation citoyenne sur le cannabis récréatif, cette étude montre que, derrière l’assouplissement de la réglementation défendu par une majorité de Français (56 %), ceux-ci aspirent beaucoup plus (à 47 %) à une légalisation du cannabis – c’est-à-dire à une autorisation à la fois de sa consommation et de sa production – qu’à une dépénalisation (à 9 %) qui se limiterait à une levée des poursuites pénales attachées à son usage.
Une adhésion croissante à l’idée de commercialisation du cannabis sous contrôle de l’État
Allant dans le même sens que le projet de loi défendu notamment par le député Éric Coquerel (La France insoumise), l’opinion publique se montre plus que jamais acquise à l’idée d’une commercialisation du cannabis sous contrôle des pouvoirs publics : près des deux tiers des Français (62 %, +10 points par rapport à 2016) pensent que ce serait, en effet, plus efficace pour lutter contre le trafic. Et ce taux est très proche de la proportion de Français (67 %) estimant que sa « légalisation régulée » permettrait de « reprendre le contrôle » face aux trafiquants et de mieux protéger la santé des consommateurs.
Un soutien encore plus massif à une légalisation de l’usage médical du cannabis
Dans le même ordre d’idée, on observe un quasi-consensus de l’opinion publique sur l’usage médical de ce produit : plus des trois quarts (78 %) des Français se montrent favorables à la légalisation de l’usage du cannabis à titre thérapeutique.
Un consensus autour de l’inefficacité des politiques actuelles de lutte et de répression
Une large majorité des Français s’accordent pour juger « inefficaces » les politiques actuelles de lutte et de répression contre la drogue, que ce soit pour prévenir les risques de santé (à 78 %, +4 points), limiter la consommation de cannabis (83 %) ou enrayer les trafics (84 %). Par ailleurs, suite à l’émotion suscitée par le décès d’un policier en intervention à Avignon le 5 mai dernier, un quasi-consensus (80 %) se dégage pour estimer que cette politique répressive « coûte cher et mobilise à l’excès les forces de l’ordre sans pour autant contribuer à la résorption de l’usage et du trafic de cannabis », et ceci autant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique.
II – Une majorité de Français en faveur de la dépénalisation du cannabis
Un basculement symbolique de l’opinion en faveur d’un assouplissement de la réglementation
Pour la première fois depuis le vote de la loi de 1970, la dépénalisation du cannabis est soutenue par une majorité de Français : 51 % y sont favorables, soit un taux d’adhésion en hausse de 8 points par rapport à la dernière mesure de l’Ifop (43 % en 2017) et qui s’avère aujourd’hui deux fois supérieur à la première étude menée il y a une quarantaine d’années sur le sujet (27 % en 1977). Ce passage de la barre symbolique » des 50 % semble avant tout lié à une décrispation progressive de l’opinion ces dix dernières années : le taux d’adhésion à la dépénalisation ayant essentiellement progressé au cours de la dernière décennie, passant de 36 % en 2011 à 41 % en 2016 pour finir à 51 % aujourd’hui (mai 2021).
Graphique 1. Évolution de l’adhésion à la dépénalisation du cannabis depuis 1977
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
Un soutien à la dépénalisation qui n’est plus l’apanage des électeurs de gauche
Malgré l’opposition ferme du président à cette idée, il est intéressant de noter que les électeurs macronistes y sont, eux, majoritairement favorables (à 54 %), contrairement à des électorats plus à droite comme les électeurs lepénistes (40 %). Plus encore, les sympathisants de gauche y sont massivement favorables, en particulier les potentiels électeurs de Jean-Luc Mélenchon (75 %) et de Yannick Jadot (77 %).
Graphique 2. L’adhésion à l’idée de dépénalisation selon les affinités politiques, évolution depuis 2002
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
De manière plus générale, les sympathisants des partis les plus progressistes – La France insoumise (76 %), Europe Écologie-Les Verts (68 %) ou encore le Parti socialiste (63 %) – sont ceux qui comptent le plus d’adeptes de la dépénalisation, mais on note que leur nombre a aussi augmenté significativement (+14 à 15 points) chez les sympathisants Les Républicains (35 %) et Rassemblement national (42 %) au cours des dix dernières années.
Des évolutions de perception aux ampleurs hétérogènes selon l’âge ou le sexe
Les évolutions de perception ont des ampleurs hétérogènes selon les différentes générations. Si la moitié des moins de trente-cinq ans étaient déjà partisans de la dépénalisation en 2011, leur perception n’a guère évolué là où la progression a été spectaculaire chez les 35-49 ans (59 %, +29 points en dix ans) et les 50-64 ans (52 %, +20 points). Des évolutions trop importantes pour être simplement dues au vieillissement de la population. Les seniors sont désormais la seule tranche d’âge à ne pas être majoritairement favorables à la dépénalisation du cannabis (38 % de « plutôt favorable » parmi les soixante-cinq ans et plus).
Point marquant : le soutien à la dépénalisation a perdu sa dimension genrée. Alors qu’en 2011 les hommes étaient significativement plus nombreux que les femmes en faveur de la dépénalisation (43 % contre 30 %), il n’existe plus désormais de différence entre les deux sexes (51 % de partisans de la dépénalisation chacun). Un indicateur qui va à l’encontre d’un constat régulièrement fait dans les études sur des questions de santé : la spécificité du public féminin, habituellement plus prudent. Un phénomène expliqué par l’assignation intériorisée (artificielle, mais socialement ancrée) des femmes aux rôles liés au « care »[1]. Force est de constater qu’ici ce rôle de prudence ne joue plus.
Graphique 3. L’adhésion à la dépénalisation du cannabis selon le sexe et l’âge, évolution depuis 2011
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
III – C’est même à une véritable légalisation qu’aspirent les Français
Dépénalisation n’est pas synonyme de légalisation (autorisation légale). Dépénaliser la consommation de stupéfiants ne reviendrait pas nécessairement à supprimer l’interdiction, mais à supprimer la procédure pénale. Or, lorsqu’on interroge plus précisément les Français sur leurs attentes en matière d’encadrement de la consommation et de production, on observe que, derrière l’assouplissement de la réglementation défendu par une majorité de Français, ceux-ci aspirent plus (à 47 %) à une légalisation du cannabis – c’est-à-dire à une autorisation à la fois de sa consommation et de sa production – qu’à une dépénalisation (à 9 %) qui se limiterait à une levée des poursuites pénales attachées à son usage.
En revanche, ces résultats viennent relativiser ceux de la consultation citoyenne du 6 mai 2021 sur le cannabis récréatif. Forte de 253 194 participants et vouée à nourrir la mission d’information à l’Assemblée nationale pour la légalisation du cannabis portée par Robin Reda, celle-ci constatait un plébiscite en faveur de la législation du cannabis (80,8 %). Un résultat qui ne cadre pas avec notre échantillon représentatif de la population française, lequel, en posant la question strictement dans les mêmes termes, ne donne « que » 47 % des Français en faveur de la légalisation. D’importants gaps se retrouvent pour chaque réponse possible, notamment pour les partisans du renforcement des sanctions pour trafic ou usage de cannabis (35 % dans notre sondage, 4 % selon la consultation). Et, pour cause, ouverte à tous (il s’agissait d’un questionnaire mis en ligne), la consultation n’avait pas vocation à être représentative. Parmi ses répondants, on retrouve notamment une large surreprésentation des hommes, des jeunes et des consommateurs de cannabis en général. D’où ce résultat aussi favorable à la légalisation.
Graphique 4. La politique à suivre en matière de consommation / production de cannabis, comparatif avec les résultats de la consultation citoyenne 13 janvier-28 février 2021
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
IV – La vente de cannabis sous le contrôle de l’État serait plus efficace que l’interdiction pour lutter contre les trafics
Allant dans le même sens que le projet de loi défendu par le député Éric Coquerel (La France insoumise), l’opinion publique se montre plus que jamais acquise à l’idée d’une commercialisation du cannabis sous contrôle des pouvoirs publics : près des deux tiers des Français (62 %, +10 points par rapport à 2016) pensent que ce serait plus efficace pour lutter contre le trafic.
C’est logiquement ce que pensent 91 % des partisans de la dépénalisation, mais aussi désormais 62 % des Français. Ce score a progressé de 10 points depuis 2018, de manière cohérente avec l’évolution des points de vue sur la dépénalisation. Les plus sceptiques envers cet argument d’un contrôle plus efficace que la répression sont les sympathisants Les Républicains (49 % d’accord avec l’argument) et les seniors (53 %).
À noter que ce taux est très proche de la proportion de Français (67 %) estimant que sa « légalisation régulée » permettrait de « reprendre le contrôle » face aux trafiquants et mieux protéger la santé des consommateurs.
Graphique 5. Le jugement sur l’efficacité de la vente de cannabis sous le contrôle de l’État pour lutter contre le trafic
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
Dans l’hypothèse d’une vente de cannabis encadrée, les Français sont les plus nombreux à penser qu’elle devrait avoir lieu dans les pharmacies (49 %), avant les boutiques spécialisées (38 %) ou les bureaux de tabac (14 %). La vente en pharmacie, sous encadrement médical donc, sert de réponse refuge aux réfractaires à la circulation légale de cannabis : opposants de la dépénalisation (53 %), non-consommateurs (53 %) ou encore seniors (55 %). Cependant, cette vision perd du terrain au sein de l’ensemble de la population (12 points de moins qu’en 2018). À noter qu’elle est aussi particulièrement présente chez les femmes (53 %, 9 points de plus que chez les hommes), ce qui nous renvoie à nouveau au « care ». Au contraire, la vente en magasin spécialisé, moins stigmatisante, est beaucoup plus souhaitée par les consommateurs, surtout les plus réguliers (84 % des consommateurs dans le dernier mois) et, mécaniquement, chez les partisans de la dépénalisation (55 %) ou les jeunes (52 %).
V – Un quasi-consensus en faveur de la légalisation du cannabis à usage thérapeutique
Plus des trois quarts (78 %) des Français se montrent favorables à la légalisation de l’usage du cannabis à titre thérapeutique. Un fort taux d’adhésion que l’on retrouve y compris parmi les populations les plus réfractaires sur les autres points avec 79 % de favorables chez les seniors et tout de même 60 % chez les opposants à la dépénalisation en général.
Graphique 6. L’adhésion à une légalisation de la consommation du cannabis à titre thérapeutique
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
VI – Un concensus autour de l’inefficacité des politiques actuelles de lutte et de répression
Près des trois quarts des Français continuent de penser que l’État devrait financer la recherche sur les usages thérapeutiques du cannabis (74 %, +1 point depuis 2018). En revanche, une large majorité considère les politiques actuelles de lutte et de répression contre la drogue comme inefficaces, que ce soit pour prévenir les risques de santé (seuls 22 % les trouvent efficaces, -4 points), pour limiter la consommation de cannabis (17 %) ou enrayer les trafics (16 %). À chaque fois, les seniors sont les plus sceptiques. Enfin, si 32 % des Français considèrent que la pénalisation des consommateurs est aujourd’hui excessive, cette proportion est assez nettement inférieure à celle des partisans de la dépénalisation. De fait, cette vision est avant tout partagée par les franges de la population aux plus faibles revenus : jeunes (41 %), ouvriers (42 %) et catégories pauvres (44 %).
Graphique 7. Le regard des Français sur les politiques de lutte contre la consommation du cannabis
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
Le sujet partage donc l’opinion française (pour ne pas dire qu’il la fracture). Mais le débat d’idées seul ne suffira pas à se traduire en évolution législative. Sur la route de la dépénalisation se trouve un autre écueil : la position du pouvoir en place. Emmanuel Macron semble avoir tranché la question, même si d’importants remous voient le jour au sein même de sa majorité.
Et s’il est aisé de penser que le glissement d’opinion en faveur d’un assouplissement législatif serait porté par les consommateurs de cannabis, force est de constater que cette explication ne peut suffire. En effet, cette évolution est nécessairement due en partie à davantage d’ouverture parmi les non-consommateurs, car le nombre de consommateurs a cessé de progresser depuis le début de la pandémie de coronavirus.
VII – La Covid-19, un frein éphèmère à la consommation de cannabis ?
Substance illicite la plus consommée en France, le cannabis voyait son nombre d’usagers s’accroître depuis plusieurs années dans le pays avant que ne débute l’épidémie de coronavirus. Et l’on peut légitimement supposer que cette crise sanitaire, avec les restrictions apportées, a contribué au recul de la consommation récente de cannabis en France. En effet, un peu plus d’un an après le début des restrictions sanitaires, la proportion de consommateurs « actuels » (ayant consommé du cannabis il y a moins d’un an) est redescendue à 8 % des Français de 18-64 ans, perdant 3 points depuis la précédente mesure en 2017.
Graphique 8. L’expérience de la consommation de cannabis, évolution depuis 1992 auprès des personnes âgées de moins de soixante-cinq ans
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
Un recul temporaire, probablement, car lié à une plus grande difficulté conjoncturelle à se procurer du cannabis. Le premier confinement de mars 2020, et ses limitations de circulation, avait donné un coup d’arrêt au trafic, notamment aux importations de l’étranger (Pays-Bas, Espagne, Maroc, etc.). Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, avait annoncé en mai 2020 que le trafic de drogue en général avait diminué de 30 % à 40 %. Une raréfaction des produits illicites évidemment doublée d’une flambée des prix. Mécaniquement, ceci a entraîné une intensification de la culture de cannabis made in France, notamment de l’autoculture. Cependant, l’autoculture ne concernait que 7 % des usagers (récents) de cannabis Français en 2017[2], et n’aura pu suffire, même ainsi « boostée », à fournir l’ensemble des consommateurs du pays.
Cependant, la difficulté à se procurer du cannabis est-elle un frein si important pour les usagers les plus réguliers ? Parmi les Français ayant consommé du cannabis au moins une fois au cours de l’année, seuls 20 % estiment aujourd’hui, malgré la persistance de restrictions, qu’il leur serait impossible de se procurer du cannabis en vingt-quatre heures. Au contraire, 19 % pensent que cela serait possible, mais difficile et une majorité estime même que cela serait facile (58 %). Le trafic de drogue, et de cannabis, a démontré ses capacités d’adaptation. De fait, la proportion de consommateurs récents de cannabis (consommation dans les trente derniers jours) est quasiment stable, mesurée aujourd’hui à 5 % contre 6 % lors des deux précédentes mesures[3] (2014 et 2017). Et avec les conditions d’isolement et de stress impliqués par les confinements, il semblerait même que les consommateurs les plus réguliers aient fumé davantage, plus tôt dans la journée et davantage en étant seuls[4]. Un constat particulièrement inquiétant puisque, notamment selon le Dr William Lowenstein[5], le passage d’une consommation de groupe à une consommation solitaire est propice à l’installation d’une dépendance.
En dépit de ces effets de conjoncture, un point n’a guère changé : le profil des consommateurs de cannabis. Ainsi, notre étude mesure une nouvelle fois que la consommation de ce produit est un phénomène à la fois générationnel et genré. La consommation, et a fortiori l’expérimentation (consommation au moins une fois au cours de sa vie), est plutôt masculine (7 points de plus que chez les femmes). La proportion de consommateurs au cours des douze derniers mois parmi les 50-64 ans est, elle, plus de trois fois inférieure à celle mesurée chez les 18-24 ans (4 % contre 15 %). Si les écarts d’expérimentation entre catégories socioprofessionnelles sont assez peu importants, la consommation actuelle est, elle, davantage présente parmi les catégories aux statuts les moins privilégiés : chômeurs (13 %), ouvriers (12 %), catégories pauvres (11 %). Enfin, sur un axe opposant schématiquement progressistes et conservateurs, mais probablement aussi corrélé à l’âge, les sympathisants de La France insoumise sont particulièrement nombreux parmi les consommateurs actuels (16 %), au contraire de ceux des Républicains (0 %).
Si les jeunes Français sont les premiers consommateurs en France, ils sont aussi en tête parmi leurs homologues européens. Or, l’adolescence, ainsi que les premières années suivant celle-ci constituent une période de vulnérabilité cérébrale accrue au cannabis. En effet, jusqu’à environ vingt-cinq ans, le cerveau est dans une phase de maturation, un état de transition et de remodelage cérébral qui rend plus vulnérable aux effets des substances psychoactives[6].
VIII – Les Français sont bien conscients des risques de la consommation de cannabis chez les plus jeunes
Les Français ne se trompent pas sur les risques engendrés par la consommation de cannabis chez les plus jeunes. 90 % considèrent ainsi comme véridique l’affirmation que le cerveau d’un adolescent est plus vulnérable à l’apparition de maladies psychiatriques en cas de consommation de cannabis. Une forte majorité considère également qu’une telle consommation accroît les risques de troubles psychotiques (86 %) et de dépression (78 %), tout en présentant des risques pour la santé dès la première consommation (72 %). Les Français sont donc bien conscients des risques véhiculés par la consommation de cannabis. Pourtant, leur vision de la législation encadrant le cannabis évolue vers une position plus ouverte. À défaut d’y voir une montée de laxisme, on peut expliquer cela par une volonté de changer l’esprit d’une législation répressive jugée inefficace face au problème de santé publique que représente le cannabis.
Graphique 9. La perception des Français sur l’impact de la consommation de cannabis à l’adolescence
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
IX – Intransigeance sur la dépénalisation : Emmanuel Macron sème-t-il ses troupes ?
Comme les Français, Emmanuel Macron a évolué sur sa perception de la législation sur le cannabis. À contre-courant, cependant. À l’instar de François Hollande ou même de Nicolas Sarkozy, le candidat Macron de 2017 évoquait un possible assouplissement de la réglementation sur le cannabis, avant de rétropédaler. Dès septembre 2016 (pas encore officiellement candidat), il mentionnait sur France Inter « l’efficacité » que la légalisation pourrait avoir sur la consommation de cannabis et les trafics. Il affirmait alors : « Je ne suis pas contre, mais je laisse le sujet ouvert. »
Mais qu’en est-il des électeurs actuellement soutiens d’Emmanuel Macron ? En termes de consommation de cannabis, les sympathisants de La République en marche comme les inscrits envisageant aujourd’hui de voter pour Emmanuel Macron en 2022[7] sont dans la norme. Concernant la dépénalisation, ils y sont même plus favorables que la moyenne (54 % à chaque fois, contre 51 % pour l’ensemble des Français). Ils sont de même légèrement plus nombreux que la moyenne à considérer que la vente de cannabis sous le contrôle de l’État serait plus efficace que l’interdiction pour lutter contre le trafic (65 % des sympathisants La République en marche et 68 % des inscrits envisageant de voter Emmanuel Macron en 2022 contre 62 % en moyenne). Sans véritablement montrer une dissonance entre le chef de l’État et son électorat éventuel, ces résultats indiquent que les électeurs macronistes sont tout aussi partagés que le reste des Français sur le sujet.
Graphique 10. L’adhésion à différentes affirmations concernant le rapport parlementaire du 5 mai 2021 sur le cannabis
Source : Ifop pour GRAMS – mai 2021.
Enfin, une large majorité de Français pense qu’en l’absence de légalisation régulée, les substances telles que le cannabis ne sont pas contrôlées et constituent un risque important pour la santé (84 %). C’est également le cas pour les affirmations comme quoi la légalisation du cannabis pourrait générer d’importantes recettes fiscales pour l’État (81 %) et que la politique répressive menée par la France coûte cher et mobilise à l’excès les forces de l’ordre sans pour autant contribuer à la résorption de l’usage et du trafic de cannabis (80 %). Dans une moindre mesure, les deux tiers des Français sont d’accord avec l’argument phare du rapport : la « légalisation régulée » du cannabis permettrait de « reprendre le contrôle » face aux trafiquants et de mieux protéger la santé des consommateurs (67 %). Dans un contexte marqué par la mort d’un policier à Avignon lors d’une intervention anti-drogue, 68 % des Français estiment également que la « légalisation régulée » du cannabis permettrait que les forces de l’ordre soient moins exposées aux violences engendrées par le trafic de drogue. Chacune de ces affirmations est majoritaire dans l’ensemble des franges de la population, malgré des écarts assez prévisibles en fonction de la proximité politique.
En résumé, la législation sur le cannabis est un sujet éminemment politique. Avec l’âge et la consommation de cannabis, c’est bel et bien la proximité partisane qui joue le plus dans le positionnement des Français sur le sujet. À l’aube d’une campagne présidentielle, nul doute que le président sortant se doit de choisir soigneusement sa position sur le sujet.
Méthodologie : Étude Ifop pour GRAMS réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 17 mai 2021 auprès d’un échantillon de 2025 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine.
Source : Fondation Jean-Jaurès