Le plus grand producteur de cannabis au pays, Canopy Growth, supprime 800 emplois.
Après l’euphorie qui avait suivi la légalisation de la marijuana au Canada, ce secteur d’activité continue d’en arracher. Le plus grand producteur de cannabis au pays, Canopy Growth, sort d’ailleurs le couperet, élimine des centaines d’emplois et réduit considérablement sa production afin de trouver le chemin de la rentabilité.
L’entreprise annonce qu’elle transforme ses activités canadiennes et allège son modèle d’affaires. D’ici six mois, Canopy mettra un terme à sa production de cannabis sur son site de Smiths Falls et supprimera 800 emplois au Canada. À l’échelle nationale, l’entreprise coupera 65 % de sa production.
Canopy cessera aussi de s’approvisionner à l’installation de Mirabel, qui appartient à une coentreprise avec les Serres Bertrand. Toutefois, il n’y a pas d’impact immédiat sur les 150 employés, car des discussions sont en cours quant à l’avenir du site. Entre-temps, les activités se poursuivent.
Dorénavant, la production de Canopy proviendra des sites de Kincardine, en Ontario, et de Kelowna, en Colombie-Britannique.
Le difficile chemin de la rentabilité
Canopy n’a pas d’autre choix que d’être rentable afin de réaliser ses ambitions de leadership à long terme sur le marché nord-américain
, a souligné David Klein, PDG de l’entreprise, par voie de communiqué en marge de la présentation des résultats financiers.
Selon le dirigeant, ces changements étaient nécessaires afin de permettre à la société de demeurer un joueur important et d’assurer sa croissance à long terme dans un marché moins alléchant que prévu.
« Nous transformons donc l’ensemble de nos activités au Canada avec l’objectif de réduire la taille globale de notre organisation. Ces changements sont difficiles, mais nécessaires pour conduire notre entreprise vers la rentabilité et vers la croissance. »
Canopy va aussi confier son programme de génétique à la société québécoise EXKA. La génétique permet de mettre au point des variétés de cannabis et de déterminer le développement et la croissance des plantes.
EXKA fournira aussi la génétique optimisée à d’autres producteurs de cannabis. Canopy souhaite d’ailleurs que l’industrie soit plus collaborative et que tous les acteurs travaillent ensemble.
Dans un effort de réduction de ses coûts, Canopy avait déjà supprimé plus de 240 emplois au printemps dernier. L’entreprise avait montré du doigt la fragmentation du marché et la lenteur de la législation fédérale aux États-Unis pour expliquer ses problèmes financiers.
Déconfiture boursière
À l’instar d’autres grands producteurs, Canopy connaît des difficultés après des débuts étincelants. Au moment de la légalisation du cannabis, plusieurs joueurs flottaient sur un nuage et le marché anticipé faisait saliver les producteurs. Mais les lendemains les ont fait déchanter.
En 2018, la capitalisation boursière de Canopy dépassait 17 milliards de dollars. L’entreprise vaut maintenant 1,76 milliard de dollars.
À son sommet, en septembre 2018, le titre pointait à 67,74 $. Or, l’action a clôturé à 3,67 $ mercredi, un recul de 95 %.
Cette entreprise pionnière dans le secteur de la marijuana n’est toujours pas profitable. Pour l’année 2020, elle a enregistré des pertes de 1,3 milliard de dollars. En 2021, les pertes se sont élevées à 1,6 milliard, alors que l’an passé, le producteur a perdu plus de 300 millions.
L’industrie se plaint depuis plusieurs mois d’être déficitaire, d’avoir une fiscalité qui freine le développement des produits et de ne pas avoir les pleins pouvoirs.
Le Conseil canadien du cannabis (CCC) estime d’ailleurs que le marché noir continue de représenter au moins 50 % des ventes de cannabis au pays.
Dans un rapport présenté à l’automne, le CCC affirmait que l’industrie du cannabis est en danger et que la quasi-totalité des producteurs canadiens sont en situation déficitaire ou sur le bord de la faillite.
Le prix du cannabis légal n’est pas compétitif avec celui du marché noir en raison des taxes perçues par le gouvernement
, révélait le rapport.
Année difficile
Tous les grands joueurs du cannabis ont d’ailleurs annoncé des mises à pied au cours des dernières années, notamment Hexo, à ses sites du Québec et du Nouveau-Brunswick, ou encore Aurora, qui avait supprimé 700 postes en 2020.
Plusieurs de ces joueurs sont depuis plusieurs années en surproduction et peinent à écouler leurs stocks. Selon le média américain MJBizDaily, spécialisé dans l’industrie de la marijuana, 425 tonnes de cannabis ont été détruites en 2021.
De façon globale, 2022 a été très difficile. Si rien ne change, je crois que 2023 sera encore plus difficile. L’industrie a de faibles liquidités. Elle a de la difficulté à se financer autrement que par le privé et sur les marchés boursiers. On risque d’avoir un impact très négatif au Canada avec beaucoup de fermetures et de la consolidation
, dit Pierre Leclerc, PDG de l’Association québécoise du cannabis.
Toutefois, le Québec risque de mieux s’en tirer et les plus petits joueurs pourraient davantage prospérer.
On peut s’attendre à une année plus positive pour les entreprises de taille moyenne, celles à capitaux privés et qui ont des productions ajustées en fonction de leur marché, de la demande. Au Québec, on est dans une meilleure position, car on est arrivés plus tard dans le marché
, assure M. Leclerc.
Si les producteurs naviguent en eaux troubles, la situation est toutefois différente pour les vendeurs, notamment la Société québécoise du cannabis (SQDC), qui détient le monopole au Québec.
Si la société d’État avait été dans le rouge durant la première année, elle a dégagé des profits de 24,5 millions de dollars pour l’année 2019-2020, de 66,3 millions pour 2020-2021 et de 76 millions pour 2021-2022.
La Société ontarienne du cannabis a quant à elle dégagé un bénéfice de plus de 184 millions de dollars l’an passé.