Par Pierre Bafoil
La première fédération française d’associations de patients usagers de cannabis thérapeutique, le collectif Espoirs (Im)patients, est créée ce dimanche. Les consommateurs de cette herbe médicinale ne veulent plus recourir à l’automédication et se fournir à l’étranger ou sur le marché noir.
Sauter dans champ d’orties. A toute heure du jour et de la nuit. C’est ce que Mado Gilanton, 65 ans, ressent à chaque instant de sa vie à l’intérieur de son corps. Des douleurs diffuses et constantes dues aux deux pathologies rares qui la frappent : la syringomyelie et le syndrome de Chiarie. Pendant des années, elle a englouti opiacés et antidépresseurs sans succès. Jusqu’à ce jour de 2015 où, alors qu’elle n’en peut plus de souffrir, l’un de ses fils lui propose un joint dans l’espoir de la soulager.
Sauter dans champ d’orties. A toute heure du jour et de la nuit. C’est ce que Mado Gilanton, 65 ans, ressent à chaque instant de sa vie à l’intérieur de son corps. Des douleurs diffuses et constantes dues aux deux pathologies rares qui la frappent : la syringomyelie et le syndrome de Chiarie. Pendant des années, elle a englouti opiacés et antidépresseurs sans succès. Jusqu’à ce jour de 2015 où, alors qu’elle n’en peut plus de souffrir, l’un de ses fils lui propose un joint dans l’espoir de la soulager.
L’automédication comprend plusieurs risques
A l’heure actuelle, les patients sont obligés de recourir à un cannabis non-contrôlé et peu disponible. Certains cultivent, d’autres vont dans les pays limitrophes où le cannabis est légal. La plupart sont contraints de se fournir sur le marché noir auprès des réseaux de deal. Un chemin de croix qui présente de nombreux risques. Celui de l’automédication d’abord. Soit des cocktails de substances et donc de potentielles contre-indications.
« Par ailleurs, il y a le problème de la qualité de ce qu’on achète mais aussi de la posologie de ce qu’on s’administre que ce soit celle du THC ou de CBD [deux molécules présentes dans le cannabis] », assure Madot Gilanton. Un temps, elle eu la chance d’avoir un ami cultivateur de cannabis. Aujourd’hui, elle doit aller en Espagne pour acheter ses doses. « Or il faudrait toujours la même plante, les mêmes conditions de pousse. Ce n’est que rarement le cas. »
« On va commencer par des doses très basses et monter peu à peu pour trouver la bonne posologie sans effets indésirables »
Conséquence : manque d’efficacité ou, à l’inverse, effets indésirables. C’est ainsi qu’un patient tétraplégique qui consomme du cannabis pour soulager ses douleurs est obligé de caler son fauteuil quand il en prend. Puisqu’il ne sait pas vraiment ce qu’il prend, la dose de THC est parfois trop puissante. Dès lors, tous ses muscles se relâchent et il risque de chuter.
Paradoxalement, alors que plusieurs dizaines de pays ont légalisé le cannabis thérapeutique, les experts du CSST assurent qu’il y a manque de littérature sur le sujet des différentes posologies adaptées aux pathologies. « Lors de l’expérimentation, il faudra adopter le principe de la titration, explique le docteur Nicolas Authier, président du CSST. On va commencer par des doses très basses et monter peu à peu pour trouver la bonne posologie sans effets indésirables. Comme pour la morphine. »
Des médecins à former
Effet collatéral mis en avant par le collectif Espoir (Im)patient : la nécessité d’une bonne formation des médecins. Certains pays ont légalisé l’herbe à visée thérapeutique mais n’ont pas bien préparé le terrain. Conséquence : flop de la légalisation, comme en Angleterre où la plante est légalisée mais les bénéficiaires très rares.
Pis, on assiste parfois à une méconnaissance totale du cannabis pourtant mis à disposition. Sébastien Cotte est un Français installé aux Etats-Unis. Son fils est atteint de la maladie de Leigh et souffre de lésion au cerveau. Lorsqu’il est diagnostiqué, les médecins lui annoncent que son fils ne survivra pas à ses quatre ans. Aujourd’hui, l’enfant a 8 ans et demi. Un camouflet à toutes les prévisions médicales qui serait dû à une prise régulière de cannabis. « Grâce à cela, mon fils s’est mis à nous chercher des yeux alors qu’il ne le faisait pas. Il est passé d’une douzaine de crises d’épilepsie par jour à deux ou trois, égraine Stéphane Cotte. Et nous avons complètement arrêté la morphine. »
Six millions de Français « souffrent de douleurs chroniques »
Ce père, établi en Géorgie où le cannabis n’est pas légal, va en Californie ou dans le Colorado pour s’en procurer. Mais même là-bas, aucun médecin n’a été capable de lui prescrire les doses adéquates. Il a lui même construit le traitement de son fils au fur et à mesure. Plus surprenant, le neurologue de l’enfant, extrêmement surpris par les bienfaits du cannabis sur la pathologie rare, a demandé à Stéphane Cotte de conseiller directement certains patients atteints de douleurs chroniques.
« Mon rêve, c’est de pouvoir emmener mon fils dans mon pays de naissance »
« C’est une situation complètement absurde, souffle-t-il. Il ne faut pas que ce soit le cas en France. Mon rêve, c’est de pouvoir emmener mon fils dans mon pays de naissance. Aujourd’hui je ne peux pas. Mais si la France forme ses médecins, je pourrais y songer. » Fort de son expérience, il assure qu' »être en retard sur la question présente un seul avantage : tirer connaissance des erreurs des autres ».
Autant de points sur lesquels le collectif Espoir (Im)patients compte peser à partir de ce dimanche. 25 associations vont y adhérer. Et ce n’est qu’un début. « C’est un enjeu énorme, souligne Madot Gilanton. Selon elle, du rhumatisme à la maladie orpheline, « on estime à six millions les Français qui souffrent de douleurs chroniques ».
Source : https://www.lejdd.fr/Societe/cannabis-therapeutique-les-patients-se-federent-dans-un-collectif-3896704