Publié le 16 Septembre 2020 | Par Florence Méreo
Dans un rapport que nous révélons, des parlementaires appellent à lancer l’expérimentation du cannabis médical en France. Pour le député (LR) Robin Reda, président de la mission d’information sur la question, il est « temps d’agir ».
« Il faut être du côté du progrès », juge le député Robin Reda, qui préside la mission d’information sur le cannabis thérapeutique.
Début septembre, une cinquantaine de médecins, de sociétés savantes, d’associations de patients exprimaient leur inquiétude dans une tribune dans le Parisien – Aujourd’hui en France, craignant un nouveau report de l’expérimentation du cannabis thérapeutique en France, censée débuter le 1er janvier 2021. Aujourd’hui, c’est à la classe politique de monter au créneau. Dans son rapport d’étape, qui doit être dévoilé ce mercredi 16 septembre, la mission d’information mise en place à l’Assemblée nationale exprime sa préoccupation. Pour son président, le député (LR) Robin Reda, il faut se lancer et réfléchir à des filières françaises de production.
Vous écrivez que la « France est à la traîne ». Pourquoi ?
ROBIN REDA. Elle a pris un retard inquiétant par rapport à ses voisins européens, et cela perdure. Le cannabis reste associé à l’économie souterraine. Or, cette plante a 1000 visages. Le sombre du trafic de drogue. Mais aussi celui qui offre des opportunités en matière médicale. Il faut être du côté du progrès : si on peut soulager des douleurs que rien n’apaise, pourquoi s’en priver ? L’expérimentation prévue en ce sens auprès de 3000 malades doit commencer.
La non-parution d’un décret d’application l’en empêche. Qui bloque ?
L’épidémie actuelle n’explique qu’en partie les retards et reports. Les travaux ont commencé il y a deux ans, le gros du travail technique était fait avant la crise sanitaire. On est donc dans une zone d’ombre, un blocage bureaucratique incompréhensible. Il y a un décalage entre la décision prise sur le plan sanitaire et son exécution politique. Le gouvernement n’avance plus sur le sujet. Gérald Darmanin ne rend pas service au débat en le caricaturant. On ne peut que le regretter et réaffirmer tout est prêt. Ne reste plus qu’à agir.
Ne placez-vous pas trop d’espoir en une plante sur laquelle des incertitudes scientifiques demeurent ?
Ce n’est en rien un produit miracle. Il ne soigne pas ! Mais l’expérience étrangère et le témoignage de patients montrent qu’il s’agit parfois du dernier recours contre la douleur. D’où l’intérêt de « détabouiser » la recherche autour de ses propriétés thérapeutiques. Rappelons qu’il s’agit d’un processus extrêmement encadré, on ne parle pas de cultiver chez soi, sous une lampe halogène, du cannabis !
L’expérimentation n’a pas commencé, que vous parlez déjà de sa pérennisation…
Le propre de notre mission est de nous projeter sur le long terme, car l’attente est immense. De penser à l’information et à la formation des soignants, mais aussi des patients. L’expérimentation concernera six indications (NDLR : dont la sclérose en plaques ou des formes d’épilepsie). On peut légitimement penser que cela pourrait concerner aussi d’autres pathologies. L’autre pan est la reconquête de notre souveraineté sanitaire.
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En créant une production française ?
En cas d’expérimentation, nous serons dépendants de produits achetés à l’étranger, notamment en Amérique du Nord. Or, la culture du chanvre existe en France et les producteurs, si on les y autorise, sont en capacité de valoriser la fleur. L’objectif est de lever les freins pour développer une filière française de cannabis thérapeutique. On a là une opportunité de santé publique et économique.
En novembre, votre mission va plancher sur le cannabis dit récréatif. Faut-il s’attendre à une proposition de légalisation ?
Dépénalisation, légalisation… je n’ai aucune position de principe sur ces sujets. Toutes seront mises sur la table, sans a priori. On a, aujourd’hui, un problème de lutte contre l’économie souterraine en France. Je suis élu de terrain et je le vois : un gamin peut plus facilement se procurer du cannabis que de l’alcool ou du tabac. Il faut ouvrir les yeux et trouver des solutions sanitaires et sécuritaires.
Ce que proposent les parlementaires
Ils ont préféré condenser dix propositions réalistes, « que 50, sans queue ni tête », explique le député (LREM) Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général de la mission d’information sur le cannabis thérapeutique, qui dévoile ce mercredi ses recommandations.
La première : la publication immédiate du décret d’application permettant la mise en œuvre de l’expérimentation sur 3000 malades. « Sans lui, on ne peut avancer sur rien », s’agace l’élu de la Creuse. Deuxième vœu : l’obtention d’un budget spécifique. « Pour l’instant, il n’y en a pas ! Cela signifie qu’il va falloir compter sur les labos. Je n’ai pas envie de cela. L’expérimentation doit rester publique, à la main des toubibs et non des industriels. Il en va de son déroulement impartial », reprend-il.
Autres propositions phares du rapport : le développement d’une filière « entièrement » française du cannabis médical. La possibilité de produire l’ensemble de la plante, afin de fournir des traitements pour des pathologies fixées par décret. Ou encore, « confier à un organe public sa régulation », note Jean-Baptiste Moreau, bien décidé à ce que les choses bougent… quitte à bousculer le parti présidentiel auquel il appartient. « Si on doit forcer le gouvernement à avancer, nous n’hésiterons pas. On fera une proposition de loi ! »
Source Le Parisien