Vincent, patient de l’expérimentation, témoigne* – et rappelle l’urgence de la régularisation en 2026
Depuis trois ans, Vincent, 39 ans, père de trois enfants, informaticien et habitant du Cher, bénéficie enfin d’un soulagement à ses douleurs chroniques grâce au cannabis thérapeutique. Il fait partie des quelque 3 200 patients inclus dans l’expérimentation française lancée en 2021, suivie par le CHU de Clermont-Ferrand, l’un des cinq centres de référence. Mais comme beaucoup d’autres, Vincent a récemment frôlé l’interruption brutale de son traitement, faute de décision politique claire. Aujourd’hui, une lueur d’espoir renaît : l’autorisation pleine et entière du cannabis médical semble envisagée pour 2026.
« Je ne voulais plus être un zombie »
Vincent est atteint de deux maladies génétiques invalidantes : une neuropathie de Charcot-Marie-Tooth de type 1X et un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile. Des douleurs intenses et permanentes, une perte musculaire des jambes, des gestes du quotidien devenus impossibles : sa vie a été longtemps rythmée par des médicaments lourds, du tramadol à la morphine, avec des effets secondaires destructeurs.
« J’étais un zombie, shooté, ralenti, mou. Je n’arrivais plus à fonctionner normalement. »
Quand son médecin lui propose de participer à l’expérimentation du cannabis médical, Vincent accepte. Depuis trois ans, il prend des gouttes plusieurs fois par jour. Il ne parle pas de miracle, mais d’un retour à une forme de vie digne : une réduction significative de la douleur, un apaisement, une meilleure mobilité mentale et physique.
« Ce n’est pas aussi fort que la morphine, mais les effets secondaires sont bien moindres. Je me sens vivant. »
Un parcours du combattant malgré tout
Si les bienfaits du traitement sont réels, Vincent reste confronté à une réalité administrative et réglementaire aberrante. Il lui a fallu du temps pour trouver une pharmacie agréée. Il est théoriquement interdit de conduire après avoir pris ses gouttes, alors même qu’il n’a pas d’alternative pour aller travailler.
« On m’impose des règles sans m’en proposer d’autres. C’est une forme d’absurdité punitive. »
Malgré ces contraintes, Vincent veut témoigner publiquement, avec courage et lucidité, pour défendre le droit fondamental à accéder à un traitement efficace et moins nocif.
Expérimentation en sursis : des avancées, mais encore bien trop lentes
Jusqu’à mars 2025, l’incertitude a pesé lourdement : à défaut de décision politique claire, les patients comme Vincent risquaient l’arrêt pur et simple de leur traitement. Un non-sens médical, éthique et humain. Mais, à la fin du printemps, le gouvernement a enfin agi sous la pression des soignants, des associations de patients et du comité scientifique.
🔹 Prolongation des traitements en cours jusqu’à mars 2026, évitant l’interruption brutale.
🔹 Notification à la Commission européenne du projet de décret d’application de la loi de décembre 2023.
🔹 Saisine de la Haute autorité de santé (HAS) pour travailler sur les conditions de remboursement.
Ces étapes sont déterminantes : une fois le décret validé (à l’issue du délai de réponse de la Commission européenne), l’ANSM pourra accorder les premières autorisations de mise sur le marché, et les médicaments à base de cannabis seront enfin accessibles hors du cadre expérimental. Une révolution en devenir, attendue pour l’été 2026 au plus tôt.
Les chiffres parlent : une alternative efficace et sûre
L’expérimentation du cannabis médical, lancée en 2021, a concerné plus de 3 200 patients en France. Les résultats sont sans appel, comme le souligne le Pr Nicolas Authier, président du comité scientifique de suivi :
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30 à 40 % des patients en impasse thérapeutique ont retrouvé une qualité de vie nettement améliorée.
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Leur souffrance a été significativement réduite grâce à cette alternative.
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Les effets indésirables graves restent faibles (environ 5 %), généralement connus (neurologiques, cardiovasculaires, psychiatriques), réversibles, et majoritairement liés à des augmentations trop rapides de posologie.
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La sécurité d’emploi a été suivie de près et jugée satisfaisante.
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La France a prouvé qu’elle sait prescrire et dispenser ces traitements de manière encadrée et responsable.
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Entre 150 000 et 300 000 patients pourraient être concernés à terme par un accès au cannabis médical, rien que dans les indications aujourd’hui reconnues.
Et pourtant, malgré ces résultats, aucun nouveau patient ne peut aujourd’hui intégrer le dispositif. Ils sont donc des milliers à souffrir, à attendre une solution qui existe, mais qu’on leur refuse au nom de l’inertie administrative.
Le CIRC alerte : la souffrance n’attend pas 2026
Ce témoignage est une preuve parmi des milliers que le cannabis médical est un traitement légitime, efficace et nécessaire. Ce n’est pas un luxe, ni une faveur. C’est une urgence sanitaire et humaine.
Les délais, la frilosité des décideurs, le poids de l’idéologie prohibitionniste et de la stigmatisation des usagers nuisent gravement aux malades. Le CIRC rappelle que la reconnaissance du cannabis médical ne saurait être une fin en soi, mais une première étape vers la légalisation complète, qui inclut :
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Le droit à l’autoproduction pour les patients.
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La formation des soignants.
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Un accès équitable au traitement, sur tout le territoire.
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Et la levée des interdictions absurdes comme celle de la conduite.
À l’État maintenant de faire son devoir : sortir du provisoire, et répondre à l’évidence. Il est temps. Plus d’excuses.
* Témoignage initialement publié par La Montagne / Centre France, le 24 mai 2025.
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