Depuis des décennies, les partisans du cannabis médical évoquent ses vertus thérapeutiques, parfois avec émotion, souvent avec des preuves anecdotiques. Mais aujourd’hui, la science les rattrape. Mieux : elle les confirme. Parmi les chercheurs qui participent à ce basculement de paradigme, la biologiste moléculaire Dr Christina Sanchez de l’université Complutense de Madrid, fait figure de pionnière. Son domaine de recherche ? Rien de moins que le potentiel anticancéreux du cannabis. Et ses découvertes ont de quoi bouleverser la médecine contemporaine.
Le THC, un tueur sélectif de cellules cancéreuses
Dans ses travaux de laboratoire, Christina Sanchez a observé un phénomène remarquable : appliqué à des cultures de cellules cancéreuses du cerveau, le THC – principal composé psychoactif du cannabis – provoque un suicide cellulaire (apoptose) des cellules malades… tout en épargnant les cellules saines. Contrairement à la chimiothérapie, qui détruit sans distinction cellules cancéreuses et tissus sains, le THC fait preuve d’une sélectivité inédite.
« L’un des avantages des cannabinoïdes est qu’ils ciblent spécifiquement les cellules cancéreuses. Ils n’ont aucun effet toxique sur les cellules normales », explique la chercheuse.
Un tel mécanisme ouvre la voie à des traitements plus doux, moins invasifs, et potentiellement plus efficaces. Et ce n’est pas tout.
Synergie thérapeutique : THC + CBD
Le Dr Sanchez a également constaté que les effets du THC sont renforcés par le CBD (cannabidiol), un autre cannabinoïde présent dans la plante. Le CBD est reconnu pour ses propriétés antioxydantes, neuroprotectrices et anti-inflammatoires. En combinaison, THC et CBD forment une synergie thérapeutique redoutable, que la recherche ne fait que commencer à explorer.
Un cocktail naturel qui pourrait devenir une alternative complémentaire aux traitements classiques du cancer – voire, dans certains cas, une nouvelle ligne de front.
Pourquoi interdire un médicament potentiel ?
Dans ce contexte, l’illogisme des politiques prohibitionnistes devient flagrant. Aux États-Unis, le cannabis figure toujours en annexe I, catégorie réservée aux substances « sans valeur médicale et à fort potentiel d’abus ». Un non-sens pour la communauté scientifique.
« Je ne comprends pas pourquoi le cannabis figure encore parmi les substances interdites, alors que tant d’études démontrent son potentiel thérapeutique », s’insurge le Dr Sanchez.
Elle n’est pas la seule. De plus en plus de chercheurs, de médecins et de patients demandent une révision urgente des lois.
Un système endocannabinoïde intégré à notre biologie
Mais pourquoi le cannabis agit-il de façon aussi précise sur notre organisme ? Parce que nous sommes biologiquement programmés pour y répondre.
Le corps humain produit ses propres cannabinoïdes – les endocannabinoïdes – qui interagissent avec un réseau de récepteurs présents dans tout l’organisme : cerveau, organes, tissus immunitaires… Ce système endocannabinoïde, découvert grâce au cannabis, joue un rôle clé dans le maintien de l’équilibre interne (homéostasie). Appétit, sommeil, douleur, stress, reproduction, humeur : ses fonctions sont innombrables.
Le cannabis agit en renforçant ou modulant ce système naturel, comme une clé dans une serrure biologique.
Un espoir médical, une urgence politique
La recherche ne fait que commencer, mais les pistes ouvertes sont immenses : cancers, épilepsie, sclérose en plaques, douleurs chroniques, diabète, dépression, maladies neurodégénératives… Autant de domaines où les cannabinoïdes pourraient offrir un traitement plus humain, plus respectueux du corps, et souvent plus accessible que les traitements classiques.
Il est temps d’en finir avec les tabous. Il est temps d’investir dans la recherche, de légaliser la culture, et d’accorder aux patients ce qu’ils réclament depuis si longtemps : le droit à un traitement efficace et naturel.
Au CIRC, nous réaffirmons notre soutien à la recherche scientifique indépendante, à l’accès libre au cannabis médical, et au droit fondamental à l’autoproduction pour les patients.
La prohibition tue. Le cannabis soigne.
Quelques sources en vrac :
Études précliniques sur le cancer du sein
- Cannabinoids reduce ErbB2-driven breast cancer progression through Akt inhibition
Dans cette étude, l’équipe de la Dr Sánchez a démontré que les cannabinoïdes inhibent la progression des cancers du sein positifs au récepteur ErbB2 (HER2) en bloquant la voie de signalisation Akt, essentielle à la survie des cellules tumorales. PMC+2Buzzsprout+2ResearchGate+2 - Antitumor action of a pure cannabinoid versus a botanical drug preparation in preclinical models of breast cancer
Cette recherche a comparé l’efficacité antitumorale du THC pur à celle d’une préparation botanique complète de cannabis. Les résultats ont montré que l’extrait de plante entière était plus efficace que le THC isolé, suggérant un effet d’entourage bénéfique. PubMed
Études sur les gliomes (cancers du cerveau)
- Inhibition of Glioma Growth in Vivo by Selective Activation of the CB2 Cannabinoid Receptor
Cette étude a révélé que l’activation sélective du récepteur cannabinoïde CB2 par des cannabinoïdes inhibe la croissance des gliomes chez les modèles animaux, sans affecter les cellules saines. ResearchGate
Revues et articles de synthèse
- Towards the use of cannabinoids as antitumour agents
Dans cet article, la Dr Sánchez et ses collègues discutent du potentiel des cannabinoïdes en tant qu’agents antitumoraux, en mettant en évidence leur capacité à induire l’apoptose, à inhiber la prolifération cellulaire et à réduire l’angiogenèse tumorale.
Ressources supplémentaires
- Conférence : « Cannabis and Cancer: Scientific answers to common questions »
Dans cette présentation, la Dr Sánchez explique comment le THC induit la mort des cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules saines, en se basant sur ses recherches. - Podcast : « Dr Cristina Sánchez – cannabis, cancer and the endocannabinoid system »
Dans cet épisode, la Dr Sánchez discute de ses recherches sur les propriétés anticancéreuses des cannabinoïdes et de l’importance du système endocannabinoïde dans la régulation de la croissance tumorale. Buzzsprout
Ces études mettent en évidence le potentiel des cannabinoïdes, notamment du THC et du CBD, dans le traitement de certains cancers, en particulier le cancer du sein et les gliomes. Elles suggèrent que ces composés peuvent induire la mort des cellules cancéreuses tout en préservant les cellules saines, offrant ainsi une alternative prometteuse aux traitements conventionnels.
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Cannabis médical et cancer : Vers une révolution thérapeutique ?
Membre fondateur de l’Observatoire espagnol de cannabis médical, le Dr. Sánchez a consacré sa carrière à étudier les applications des cannabinoïdes dans le traitement du cancer.