Les boutiques spécialisées dans la vente de produits extraits de cette molécule dérivée du cannabis existent par centaines en France depuis un peu plus de trois ans. Pourtant, tout le business de la vente de CBD était jusqu’ici basé sur un flou juridique. La Cour de cassation vient ce mardi de clarifier la situation.
C’est une décision qui fera jurisprudence et devrait infléchir les projets du gouvernement sur l’interdiction à la vente du cannabidiol, une molécule dérivée du cannabis plus connue sous son acronyme de CBD. Saisie au sujet de l’infraction présumée de la boutique de CBD « The Pot Company » à Dijon, dont les produits avaient été consignés par la police en 2019, la Cour de cassation a jugé ce mardi que l’interdiction de la vente de produits contenant du CBD ne pouvait être ordonnée en l’absence de preuve qu’ils entraient dans la catégorie des produits stupéfiants.
Depuis 2019, de nombreux commerçants, dont des fleuristes, ont pourtant été condamnés partout en France à de lourdes amendes et même à des peines de prison pour avoir commercialisé du CBD. La donne a-t-elle désormais changé ? On vous explique.
Le CBD est-il un stupéfiant ?
Contrairement à son célèbre cousin, le THC, le cannabidiol ne présente aucun effet psychotrope. Dopé par ses pouvoirs antalgiques et tranquillisants, il agit sur l’épilepsie, les troubles psychiatriques ou encore certaines formes de cancers. En France, « seules ses graines et ses fibres peuvent être utilisées et non ses fleurs où se concentrent les substances actives du cannabis », précise la Direction générale de la Santé (DGS).
Pour être commercialisés, les produits dérivés de la plante, parmi lesquels les liquides de cigarettes électroniques, les gélules et les confiseries doivent contenir moins de 0,2 % de THC. Dès 2018, et en quelques mois à peine, des dizaines de boutiques spécialisées dans ces produits dérivés ont été ouvertes à travers la France. Leurs gérants ont trouvé une « faille » légale, en vendant des produits présentant très peu de THC, mais une concentration en cannabidiol. Il leur est toutefois interdit de les présenter comme ayant des vertus thérapeutiques ou bienfaisantes, sous peine de sanction pénale.
Quelle est la position de l’Union européenne sur le CBD ?
Un mur sépare les réglementations française et européenne sur le CBD. Le 19 novembre 2020, après avoir été saisie par la pénaliste du cannabis, Ingrid Metton, qui défendait à Marseille deux gérants condamnés à 15 et 18 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé illégale l’interdiction de la vente de CBD en France au nom de la libre circulation des marchandises. Un véritable camouflet pour la réglementation française.
Pour la CJUE, ces condamnations sont abusives : les produits à base de CBD, dont les plantes de chanvre, ne peuvent être assimilés à des stupéfiants « au regard des connaissances scientifiques » dès lors qu’ils contiennent moins de 0,2 % de THC. Cette molécule présente dans le chanvre (ou cannabis sativa) n’a« pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine », poursuit la Cour de justice de l’UE dans son arrêté.
Comment alors expliquer la résistance de la France ?
La France persiste à interdire la commercialisation du cannabidiol et de ses fleurs, qu’elle assimile à des stupéfiants. Le 25 mai dernier, en dépit de l’arrêt rendu par la CJUE, Matignon précisait que « la mise sur le marché de sommités florales ou de feuilles brutes à fumer ou en tisane était interdite, tout comme les produits incorporant du chanvre brut ». Une restriction « justifiée par des motifs d’ordre et de santé publique ». Car, se justifie le gouvernement, sans analyse de l’herbe saisie, il est impossible de savoir si le consommateur détient du cannabis stupéfiant, fortement dosé en THC, ou du cannabis « bien-être » dominé par la molécule de CBD.
Selon Nicolas Septe, le procureur de Saintes réputé particulièrement sévère sur les saisies de CBD, qui intervenait en mars dernier dans nos colonnes, « le caractère prioritaire de la santé publique et le principe de précaution » permettrait ainsi à la France de déroger au droit européen. « Nous souhaitons éviter tout contournement de la législation pour vendre des stupéfiants. Le CBD s’apparente à du prosélytisme en faveur de leur consommation », estime-t-il.
La décision de la Cour de cassation change-t-elle la donne ?
Le 25 mai dernier, Matignon indiquait que son texte interdisant la vente de fleur séchée de CBD serait envoyé à la Commission européenne dans les prochaines semaines avant d’être publié au Journal officiel. Mais le gouvernement paraît aujourd’hui être en mauvaise posture.
« Le 9 juin dernier, la Cour d’appel de Colmar a déjà rendu une décision qui sanctuarisait le principe selon lequel, fleurs comprises, les produits comportant moins de 0,2 % de THC n’étaient pas des stupéfiants, souffle Aurélien Delecroix, le président du Syndicat professionnel du chanvre. Alors on ne voit pas comment l’arrêté tel qu’il veut être modifié par les autorités pourrait être conforme à la réglementation européenne. »
Prochain rendez-vous judiciaire le 23 juin. Une décision à portée générale sur la commercialisation du CBD, au regard du droit européen, sera alors rendue par la Cour de cassation.
Source : Leparisien.fr