Nonante-neuf ans, un âge canonique, mais pas encore celui de la retraite. La loi de 1921 qui régule les drogues en Belgique entre ce lundi dans sa centième année.
La loi de 1921 a inspiré le nom d’un collectif : #Stop1921, qui rassemble plus d’une cinquantaine d’associations actives à Bruxelles et en Wallonie. Avec son pendant néerlandophone, Smart on drugs, ils signent sur notre site une nouvelle carte blanche demandant une profonde refonte de la politique fédérale sur les drogues. Et une remise en cause de la prohibition pure et simple. Ils « dénoncent le décalage entre cette loi quasi centenaire et ses effets sur la société d’aujourd’hui. Permet-elle de mieux protéger la santé publique et les citoyens ? Permet-elle de réduire les consommations et de limiter la disponibilité des drogues illégales ? Permet-elle de mettre fin à l’enrichissement des réseaux criminels ? À ces questions la réponse est : non. »
La loi « concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques » régule l’ensemble des secteurs de la drogue. Avec une constante : la prohibition. De la consommation à la vente, en passant par la production.
A titre d’exemple, la loi de 1921 interdit textuellement la fourniture d’un local pour consommer des stupéfiants. Interdites, donc, les salles de consommation à moindre risque (SCMR, surnommées vulgairement « salles de shoot »). Au regard de la loi fédérale, la SCMR de Liège est parfaitement illégale. Même si les autorités locales ont donné leur accord pour son ouverture ; et que le gouvernement fédéral a choisi de fermer les yeux.
Dans les années 1920, « au tout début de la prohibition de l’alcool aux États-Unis », rappellent les collectifs dans leur carte blanche, « il était relativement compréhensible que le législateur ait opté pour une approche répressive, pensant qu’il serait possible d’éradiquer un comportement jugé indésirable. À l’époque en effet, l’offre en substances illicites n’était pas aussi diversifiée qu’aujourd’hui, et les connaissances scientifiques en matière d’addictions et de criminologie étaient nettement moins développées. Il semblait donc permis d’espérer voir éclore un monde sans drogues. »
Un vœu pieux aujourd’hui. Les associations du domaine de la santé, de la jeunesse ou des droits humains ne proposent pas un modèle de législation sur les drogues « clé en main ». Toutefois, elles ont une certitude : « À l’époque d’internet, des méga-festivals et des cartels mafieux transcontinentaux, il est inconcevable pour nos sociétés d’envisager la gestion des drogues et de leurs usages par une loi surannée datant d’une époque où les femmes n’avaient pas le droit de vote et où la sécurité sociale n’existait pas. »
« Cette prohibition engendre beaucoup de problématiques sanitaires et sociales » abonde Michaël Hogge, chargé de projets scientifiques à Eurotox (l’Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles). « La politique répressive belge n’est certainement pas la plus dure, il y a pire. Mais elle reste sévère pour des faits parfois mineurs, comme la simple détention de cannabis en petite quantité. On a juste une directive qui invite les policiers et les parquets à être tolérants envers la possession de moins de 3 gr pour les majeurs, sans circonstances aggravantes. »
Même si la simple détention à des fins personnelles n’envoie pas en prison (quoique ?), la moitié des détenus de Belgique le sont pour des faits de drogue, était-il ressorti d’une réponse du gouvernement à une question du sénateur (PS) Julien Uyttendaele : « Je ne crois pas que le droit pénal doive répondre à une problématique de santé publique. On ne résout pas les addictions avec des amendes, des PV ou de la prison. Même un simple PV, c’est déjà quelque part criminaliser les usagers de drogues », estime le Bruxellois.
C’est l’une des critiques à la loi de 1921, sa sévérité envers le « simple » consommateur ou toxicomane. Le nombre de PV simplifiés dressés par la police pour détention de cannabis est stable – tendance haute – depuis 2014, ressort-il des données reçues par Julien Uyttendaele, que nous publions en primeur. Ces PV simplifiés par milliers impliquent très rarement des poursuites judiciaires, néanmoins ils reprennent l’identité complète de l’auteur des faits. Cela laisse une trace. La loi de 1921 ne laisse rien passer !
Source : plus.lesoir.be