NOMINATION POUR LE PRIX NOBEL DE LA PAIX 2021
GRAND BOUQUET CANNABIQUE DE DÉFENSEUR.E.S
DES DROITS HUMAINS ET DES CITOYENS
#AuChanvreCitoyens!
Anne Coppel (1946) France, militante de la politique des drogues
J’ai fait des études de lettres classiques à la Sorbonne (1966-68) puis à Paris VIII avec une Maitrise en sociolinguistique (1972). Visiting scholar à l’Université d’Ann Arbor USA, j’ai découvert la sociologie américaine de l’Ecole de Chicago qui m’a beaucoup influencée ultérieurement, en associant recherche, militantisme, et expérience vécue. Assistante à l’Université de Paris XIII à partir de 1973, je me suis investie dans la lutte contre l’échec scolaire, dans la logique de mon engagement contre les inégalités, mais cette année-là, j’étais à un tournant majeur de ma vie : la découverte de la contre-culture.
Les années 70 ont été tumultueuses pour moi. Avec mes amis, nous avons expérimenté les drogues « qui font les yeux émerveillés », nous avons voulu vivre ici et maintenant une révolution dans la culture en commençant par nous transformer nous-mêmes. Cette aventure a duré pour moi 3-4 ans, elle avait été exaltante mais loin de la réduction des risques, nos consommations étaient effrénées, mêlant d’abord hallucinogènes et amphétamines pour aboutir à l’héroïne en 1994, si bien que l’histoire s’est mal terminée, aussi bien pour mes amis que pour moi.
Au tout début des années 80, j’ai pris un nouveau tournant professionnel, je me suis spécialisée dans les politiques sociales et c’est à partir de cette spécialité que j’ai commencé à mener quelques recherches-action sur les consommations d’héroïne. Cette drogue était alors en pleine diffusion dans les quartiers populaires, une diffusion que la prohibition n’avait pas réussi à empêcher. Manifestement, il nous fallait apprendre à vivre avec les drogues- ce qui, à mon expérience, n’était nullement d’aisé. J’ai d’abord recherché sur le terrain comment aider les usagers d’héroïne en les associant à cette recherche. Parallèlement, j’ai cherché à connaître les réponses adoptées à d’autres époques ou dans d’autres pays. La demande des usagers d’héroïne d’une part, les premières expérimentations des villes européennes d’autre part m’ont conduit à un premier projet expérimental de méthadone 1989-1990, que les Français refusaient unanimement. Parallèlement, j’ai contribué à la recherche-action du BUS des Femmes, avec des femmes prostituées de la rue St Denis. Cette année-là a marqué un tournant : en associant recherche et action, je suis devenue une spécialiste de la santé communautaire, une démarche ignorée en France mais préconisée par la lutte contre le sida.
En 1992, nouveau tournant, je suis devenue une militante en découvrant le mouvement international de réduction des risques (RDR, harm reduction en anglais ). Je me suis approprié cette nouvelle approche qui a mis en cohérence ma spécialisation professionnelle, mon expérience personnelle et mes engagements militants. Usagers de drogues, militants associatifs ou soignants, nous avons été quelques-uns à prendre conscience qu’il nous fallait ouvrir un débat public si nous voulions que les choses changent. En 1993, nous sommes regroupés dans un collectif « Limiter la Casse », nous avons ouvert le débat public et parallèlement avons développé les expérimentations partout en France. En 1994, Simone Veil, ministre de la santé, a mis en place un dispositif expérimental de RDR. Présidente de « Limiter la Casse », j’ai obtenu le prix international de la RDR, le Rolleston Award qui récompense notre mobilisation collective. Nous avons ainsi obtenu des résultats quasi miraculeux, comme la baisse de 80% des OD (overdoses) mortelles, démontrant qu’il existe des alternatives à la prohibition, cette politique inefficace et meurtrière.
Le 18 juin à Paris, 2015, avec Jean-Pierre Galland, président du CIRC, pour la légalisation du cannabis.
C’est précisément ce que les pouvoirs publics n’ont pas voulu entendre. En 1998, nous avons crée l’AFR, l’association française de réduction des risques, dans un objectif de changement de la politique des drogues. Or au contraire de ce que nous avions espéré, les années 2000 ont été marquées par un redoublement de répression avec la tolérance-zéro inspirée par les USA. Les usagers de cannabis en ont payé le prix fort. En le dénonçant, je suis devenue de fait une activiste du cannabis. J’ai toujours apporté mon soutien à la lutte pour la légalisation du cannabis, presque chaque année, j’ai rejoint mes amis du CIRC lors du 18 joints au Parc de la Villette, en tant que militante du changement de la politique des drogues, mais la plante relevait d’abord de ma vie personnelle. C’est la seule drogue que je continue de consommer à l’occasion avec des amis et quelque fois aussi seule pour me retrouver : le cannabis m’a appris à traverser mes déprimes en les identifiant, en refusant être envahie par les idées noires, et en renouant avec les émotions simples « et j’ai su à genoux, la beauté d’une rose » comme le chantait Barbara. En tant que sociologue, je suis persuadée que cette plante est bénéfique et qu’elle a contribué à des relations plus authentiques, ou encore à notre désir de nous rapprocher de la nature, à respecter les êtres vivants, plantes et bêtes dont nous les humains faisons partie comme je l’ai écrit dans « Heureusement qu’il y a l’herbe ! » , un article publié par la revue Chimères créée par Deleuze et Guattari.
À partir de 1999, j’ai écrit une dizaine d’articles, dont 7 sept ont été publiés dans Libération, j’ai été sollicitée sur le débat cannabis par différents médias, presse écrite, radios et TV. J’ai aussi écrit un rapport sur les effets ballon de la répression du cannabis pour Terra Nova, un Think Thank qui a désormais pris parti pour la légalisation. Actuellement, je fais partie du GRECC, une association crée pour développer les recherches sur le cannabis, sans se limiter au médical, avec la prise en compte des usagers. Avec la légalisation du cannabis, en marche au niveau international, on peut enfin espérer la fin de la guerre à la drogue, une catastrophe mondiale. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir en France, mais je suis fière d’y contribuer.
Principales publications
– Le Dragon Domestique, deux siècles de relations étranges entre la drogue et l’Occident, avce Christian Bachmann, Albin Michel 1989.
– Peut-on civiliser les drogues, de la guerre à la drogue à la réduction des risques ? La Découverte, 2002.
– Sortir de l’impasse, avec Olivier Doubre, La Découverte, 2012.
– La Catastrophe invisible, Histoire sociale de l’héroïne, recherche collective avec M. Kokoreff et M. Péraldi, Amsterdam, 2018.
Quelques articles sur le cannabis
– Heureusement qu’il y a l’herbe ! Revue Chimères, 3 juin 2014.
– Rapport Terra Nova : les effets ballon de la politique française, 6 mai 2010 :
http://www.annecoppel.fr/drogues-arretez-darreter-les-usagers/: Libération 29 juin 1999
http://www.annecoppel.fr/depenalisation-du-cannabis/Libération, 23 janvier 2001
http://www.annecoppel.fr/traque-aux-fumeurs-cannabis-senflamme/ Libération 2006
http://www.annecoppel.fr/lexception-francaise-anti-cannabis/ Libération, 2006
http://www.annecoppel.fr/cannabis-trente-ans-dhypocrisie/ Politis, juin 2006
http://www.annecoppel.fr/cannabis-fait-delirer-ceux-nen-prennent-pas/ Le nouvel Obs 12 juin 2006
http://www.annecoppel.fr/france-legalisation-depenalisation-du-cannabis-pas-simple/ Euro news, 6 nov. 2013
http://www.annecoppel.fr/760/ pour une autre politique des drogues, Libération 28 juin 2011
http://www.annecoppel.fr/pourquoi-il-faut-depenaliser-le-cannabis/ Politis.fr 11 mai 2015
http://www.annecoppel.fr/interview-a-expogrow/ 2015